Au
nom du Père, et du Fils et du St Esprit. Ainsi soit-il O la brave petite—sa chair pleine et saine—grasse
de nuque et de menton—sa poitrine maternelle—et ses nattes rondes.—Je
disais au père "La France au-dessus de tout”—Elle m'a cinglé au visage—de
mots roides—Et lui aux lèvres fines—aux mains exercées—le Français svelte—il
lui a demandé ses chants d'Allemagne—(comme à la captive contrainte—un
baiser) Elle les lui a donnés—comme on mord—et sa poitrine bondissante
et souffletée—sa face de haine—ses gestes rudes—disaient l'amour du Vaterland—où
il y a manger—et de beaux hommes blonds (et ceux-ci tués en France).
et la fécondité femelle—l'odeur du foin et des chairs enfantines. Elle
bondissait comme la chienne dont on tient les petits—et le Français vainqueur—la
sentait dans sa poigne, féroce moite et close, comme la chienne aux lèvres
troussées hargneuse—que le maître frappe au museau. Ils m'ont assailli—Je les tiens à la nuque—et
il est juste de serrer, afin qu'ils se souviennent—et ne recommencent
pas. 8—1—19 10—1—19 Et voici l'homme—ces 4 membres agiles—et les
parties génitales au centre—Il a fallu pour cela le Sang d'un Dieu—(et
certes il accroche encore la lumière—comme un miroir aux alouettes)—Horreur
! Voici toute cette chair autour de moi—blanche révoltée et prisonnière—Et
il n'y a pas moyen de la délivrer et de lui parler comme l'ami—car eux,
sur elle, des mots obscènes.—Et je n'en parlerai plus devant eux—parce
qu'ils se rient—et de cette chair en fleur—font la boue—et c'est malheur
que pareille chose reste dans l'ombre—celle-ci blanche et chaude, construite
pour la maternité—avec son rire solide et son âme neuve et ces cheveux
lourds—et cette ombre bleue sur la joue et la place marquée aux dents
du mâle qui la fructifiera—O la joliesse—la belle chose, de Dieu bâtie—Il
y a joint une petite âme pétulante—et j'ai plaisir à considérer cette
mécanique céleste—fleurissante sur ce terreau d'Allemagne—et que je sois
venu de si loin, de la Ville grise—la regarder se mouvoir et pétiller
et que je ne la posséderai point—mais nul autre—sinon celui—buveur de
bière—qui a tué mes frères-là-bas.—et il me plaît l'avoir à mon côté,
lisante—avec des mots pleins la bouche, mâchés contre moi Jugendheim 11-2-19 Que je quitte un peu cette journée—mais voici
ma vie à dérouler devant moi—en ce temps de ma majorité—ma vie, comme
une pellicule cocasse—petite et nette. Maintenant j'ai atteint l'âge
majeur—et je vais pouvoir parler et vivre entre les hommes—avec un tiers
de vie jà consommé. En ce jour que je puis choisir mon état—je
me tourne vers vous et je dis—Choisissez !—Pour moi il me semble que je
ne suis pas compatible—avec la monnaie, matérielle, et la recherche du
luxe—et je considère aussi qu'au bout de mes doigts—vous avez mis ce don
qui ne peut rester clos. Vous savez Seigneur que ce n'est pas la paresse
qui me pousse—Et moi aussi j'aurais plaisir à avoir une belle femme—et
des enfants, et le feu clair qui claque—mais je ne sais si cette possession
serait légitime—ni ce qui est marqué sur la page. Pour moi, je vous ai amené mon corps docile—comme
le mouton avec la faveur au cou.—Et j'attends pour lui que vous décidiez—et
il se plairait aux jeux et aux luttes de l'amour—mais si le voulez il
lui plaira mûrir solitaire. Que j'appuie cette vie—ci—sur le manger et
le dormir—et dans l'hygiène—et le travail et le repos (comme une étoffe
rayée).—et c'est tout—Il y a bien vite la vieillesse et la mort—et il
ne sied pas de m'encastrer—dans ces choses fugitives—qui ne seront bientôt
plus qu'un souvenir. Mais voici que je m'agrippe solidement à cette
grosse roche bise (qui est figuration de votre Gloire)—et de ceux-ci qui
s'accrochent aux vagues—un instant sur le sommet—et les voici dans le
gouffre—j'en ris—mais moi sur la grosse roche stable—et des deux mains
à même les coquilles marines— Et sans aucune figuration de mer et de roc—voici
que je m'agenouille devant Vous, le Christ vivant—Je vous remercie de
ce que ma tâche soit si simple—réglée et close en quatre décades—et pareille
aux phases de la terre et de la lune. Vous me donnez cette grande et belle création—et
moi, je l'embrasse toute entière comme un bouquet !—et les Anges et les
pierres—les comètes et les rubans,—les femmes et les glèbes—et ces petits
enfants—et cet homme qu'on supplicie—comme autant de gros calices neufs—tous
odorants dans le soleil ! Voici qu'il me faut trier toutes ces fleurs—la
couleur, la masse, l'arôme—en faire un bouquet clos et rond—et vous l'offrir
comme une mosaïque de mon invention. Et sans aucune comparaison de flore, me voici
au centre, et toutes ces[1]
créatures autour de moi. Il me faut les colliger et les restreindre à
Votre Gloire. Et comme pour manier l'outil—il faut un bon
ouvrier—voici le long apprentissage. Il va durer encore XL ans—et de
la main qui tâtonne—il forcera le chef-d'œuvre. Voici qu'il me faut obtenir ressemblance avec
vos Saints—Voici la lampe au globe dépoli—L'ignorant s'exclame : O le
globe lumineux !—Mais, l'autre éteint la flamme—et voici le globe noir
et néant. Ainsi de nous dans votre flamme. Mon Dieu, Vous connaissez ma nudité—et que
je ne puis méditer un quart d'heure sans votre secours—mais cependant
retirez-moi de ce milieu obscène—Voici que mes fibres s'y attachent une
à une—et je m'en vais adhérer à cette boue—pire qu'un chancre dans la
chair— Mon Dieu venez à mon secours—et purifiez mon
esprit qui s'embourbe. Très Sainte Vierge venez à mon secours—je vous
remets mon corps. Très Saint Ange—venez à mon secours—et guidez
mes dents et ma langue. Très Saint Patron—venez à mon secours—et comme
Vous vous nourrissiez de sauterelles dans le désert—qu'ainsi mon Esprit
s'abreuve de la Parole de Vie—Revêtez-moi de la toison des chastes—et
que je marche droit—dans la Voie plane. Ainsi soit-il 11—1—19 16—2—19 Me voici retombé d'au milieu d'eux comme une
cosse sèche—Ils se détournent et rient.—et celui-ci m'insulte avec sa
bouche grasse et lippue—et cet autre l'a déjà fait, quoique moindre—et
celui-là, d'un moment à l'autre, le tonnerre. Mais qu'est-ce que je leur ai donc fait, Seigneur—et
est-ce qu'il n'y a pas sociabilité entre les hommes ?—Pour moi je leur
rends de petits services—et je voudrais être, humble, à leur côté—mais
eux de moi, comme du chien qu'on chasse—Et remarquez que cela m'est égal
d'être loin d'eux—mais comme c'est une habitude de vivre ensemble—et que
mon état y goûte son utilité—je me suis approché d'eux sans défiance—pour
le pain, les jeux et la parole Et voici que j'étais tout d'un coup comme un
homme nu et sauvage—parmi leurs parades et leurs parodies. Moi—je ne
suis pas un rhéteur—mais je dis les choses que je crois devoir être dites—et
comme elles me viennent—Eux de contracter leur pupille comme dans une
lumière—et de me gouailler avec de grands rires. Et j'ai voulu jouer au malin avec eux—mais
j'ai bientôt vu qu'il n'y avait plus connivence entre nous—et je me suis
tu avec eux—comme parmi des choses inanimées. Voici après la bourrasque : la joie fusée et
giclante, le choc des cristaux, l'éclat des voix…!… A nouveau dans le retirement de ce monde baroque,—la
solitude à 2,—l'Eden trouvé. Puisqu'ils ne veulent pas de moi—je les laisse—mais
ils ne m'empêcheront point de vous serrer ainsi—ma tête contre la Vôtre
et le long regard échangé—dans la solitude hyaline—le frôlis[2]
muet des palmes. O mon Jésus proche et vrai—dans Votre Corps
tangible. O ma Nourriture petite—O mon Azyme dans ma bouche. (Il n'y
a là aucun azyme, mais Vous-même). laissons-les à leurs rires et à leur
musique. Votre Silence est bien supérieur—et il y a dans votre bouche
amère (ô la commissure qui saigne, la chair tuméfiée et violette)—un plus
profond, plus clair, plus durable, un plus incoercible Rire ! 20—2—19 Prière
au matin O mon ami, voici le jour nouveau venu—et toi
à nouveau tes yeux dans le soleil—Voici ta pupille humide de songe—dans
ce grand songe de la vie qui repart ! O mon ami voici ces créatures à nouveau—mais
tu as confiance et tu sais qu'elles sont des signes (comme le négatif
noir sur blanc—et l'ignorant ne distingue rien—mais celui qui connaît
il soupèse, il constitue l'image) Ici il n'y a point de noir en place de blanc
mais la matière borne et enveloppe d'un ordre spirituel—Je tiens ce bel
ordre dans mes mains—et il n'y a plus de mystère qui tienne—mais je ris
et joue avec les Archanges dans ce soleil ! O corps humide mal dégrossi de sommeil—à nouveau
voici le mouvement qui recommence. O cervelle dormeuse—à nouveau la pensée
ductile.—mais me voici tranquille et sans hâte—avec une grande joie à
savourer.— Voici que Vous êtes là présent—dans ce fatras
de matière : La table et le poêle, et ces livres;—cette jumelle et ces
morceaux de pain—ces vieilles photos au mur—et ce costume baroque que
j'endosse. Vous êtes là présent—et je vous regarde sans
hâte—comme l'ami longtemps connu.—Cela ne m'effraie pas que vous soyez
là—bien que le nombre de mes péchés soit innombrable—mais je vous contemple
sans hâte—et je vous savoure en silence— Voici 3 jours que Vous m'avez fait déposer
par les hommes—et voici 3 jours que je vis dans la joie O la joie spirituelle—Elle va à l'encontre
de toutes joies humaines—Elle n'a point connivence avec elles.—Et cependant
quelles caresses vaudraient celles-ci—Il n'y a aucune femme qui fasse
de même—Il n'y a aucune caresse qui les vaille ! Mais cela donne comme si j'ouvrais les yeux
dans une autre lumière—et la première minute est amère—parce que le cœur
s'accroche et il refuse de lâcher la matière. Ah ! Seigneur qu'on est mieux avec Vous qu'avec
les putains ! Et que votre conversation est plus intéressante—Et qu'elles
soient mieux physiquement.—cela se peut—mais non votre regard doux et
ferme—en place de leur Néant. Elle a la main fine—aux ongles rougis. Vous
calleuse et noire—la paume nacrée—Vous—creuse et verte—la chevelure en
casque, coquette—Vous gluante et sanglante. Et pourtant Vous m'êtes plus
doux à contempler—et elle, hideuse ! Ah ! Seigneur qu'il fait bon avec Vous. laissez-moi
me retirer avec Vous—ne me condamnez point à leur société—la parole factice—la
lèvre aussi—Qu'elle ferait mieux comme fille de ferme—et moi dans la prière—Pourquoi
perdre ce temps—que Vous ne rendez pas. Pour moi je vous sais gré de l'épreuve—parce
qu'il n'y a plus aucune de celles-ci—non plus aucune—qui me retire de
Votre société. Ce sont comme des bâtons flottants—De loin, dans l'or,
la galère pourpre !—De près, peu. Parce que je les jauge à votre mesure—Je
les vois dans Votre soleil. Oh ! Qu'il est bon, la tête contre Vous,—Ils
se meuvent, parlent et mangent—comme des personnages vrais—la masse, la
couleur, et tout—J'ouvre l'œil—et c'est un tas de pierres sur la route—et
me voici seul à nouveau—dans votre Rire inextinguible ! 4—2—19 Qu'est-ce
que je vais devenir en face de ceux-ci—Ils rient et se jouent—et je suis
dans la mort—Je jubile—et eux dans la mort. Ils s'accrochent au plaisir—je le dénigre—à
la chair—je la mâte. Moi dans l'Esprit—Eux le foulent. Il n'y a entre nous aucune connivence—sinon
du même sac de chair—et les mêmes appétits brutaux—Mais la Pensée entre
nous—comme un bloc infranchissable. 1) Pour moi, me voici sur cet îlot—au milieu
des sauvages parés et dansants.—Ils sont plus savants que moi—et font
des calculs que je ne saurais faire—mais de l'âme, nenni,—ils l'astreignent.
Elle est comme une petite hirondelle palpitante—au creux du poing géant—libérée,[3] elle ne saura plus
monter—et s'abattra lovée et noire—ô qu'il leur sera difficile d'ouvrir
l'aile—liés de tous côtés à cette matière plastique et pesante. 2) Pour moi, me voici au milieu des jupes—avec
des jambes et des rires—et cela ne m'agrée point.—Je suis comme le grand-père—qui
ne comprend plus que les enfants jouent—et pourtant je n'ai nul souvenir
de pareils jeux—et n'en désire point,—lié par ma parole amoureuse au Christ—Et
moi qui veux être fiancé à Lui—ou à une bonne femme ménagère—qu'ai-je
à faire de celles-ci—parées et savantes avec le coude sur la nappe et
du bout du doigt, la cendre secouée—et le grand rire des dents gourmandes
! 3) Pour moi, me voici comme un campagnard dans
la ville—et ça se peut que ça se fasse ainsi—mais je n'ai nul souci de
le faire—et je préfère mon pays—quoique les cabinets n'en soient point
cirés—à cette ville vicieuse—et je m'en vais en hâte—et je n'ose sortir
mon mouchoir—de peur qu'ils ne rient de la couleur de ses carreaux. ô mon Dieu ! qui m'avez créé tel quel, me voici
tel quel—et que je sache lire et écrire—cela est peu—et que j'ai quelque
teinture des sciences humaines—et de longs cheveux—et cet habit d'or !—cela
n'empêche que je ne sois rien d’autre—que cette petite bouture de chair—criante
et rouge—mûrie et détachée en 98. Ma voie est simple—il y a ma mère à
nourrir et puis après—selon votre grâce. Et peut-être qu'il y a une bonne
femme au bout—et des petits enfants plein les jambes—et peut-être il n'y
a que la passion de la couleur—et le Christ au chevet—et peut-être le
sacerdoce—âpre et doux—j'ignore—et je n'ai point curiosité de savoir—et
je clos la paupière—comme celle qu'on baise aux yeux. Je ne veux point savoir l'horizon—mauve ou
rose—et je tends mes bras aux poignets liés—comme celle qui se donne—
Je ne veux point savoir où je vais—sachant
qui me mène— Protégez-moi Seigneur pendant la tentation—pour
que j'en sorte fortifié ! 3—2—19 18—3—19 Voici ces lèvres—Elles ont eu contact avec
l'impure—Il y a eu contact de la lèvre—à la joue fraîche moite et fanée—Elle
eut un rire perlé et vain—Et c'était ainsi—Il y avait jeu, et des gages
à donner—et ils étaient tous sur moi dans l'attente—et il ne seyait point
hésiter—mais d'accomplir la chose—bonnement et simplement—et elle eut
un contact chaud de sœur—et cela m'est une grande tristesse—que tant d'hommes
aient passé sur elle—qui eut peut-être tant bien gardé ses chèvres—et
rougi ses mains en tâches probes. Seigneur voici ces lèvres—que n'avait encore
souillées semblable chose—mais quelle est ma folie !—Elle est peut-être
plus avant vers Dieu que moi—et je me laisse embobiner aux cocasseries
des hommes—qui se gonflent du jeu de l'amour—pour dire ces femmes perdues—Pour
moi je ne vois rien qu'un comptoir—et d'un côté, de l'autre, ceux-ci pour
une même marchandise.—Il n'y a là qu'offre et demande[4]—Qui demande suggeste[5] l'offre—et je serre la main de ceux-ci—et donc égal
à celles-ci. Mais moi qui ne demande—(Ici l'Orgueil dur trompette)—Mais
moi qui ne demande mie—ô Masque obscène—ô face Tartuffe rase[6]
pâle.—Regarde[7] tous tes péchés dans la Lumière—Ils grouillent et
fouettent—et de ce que l'homme t'ignore tu préjuges ton innocence—et parce
qu'il sait la faute de celle-ci qu'il lapide—tu prends la pierre—ô grotesque—mais
relis donc ton Evangile ! Il n'en est pas moins vrai—qu'il y a eu contact—de
ma bouche à celle-ci—qui n'est mère, sœur ni cousine—Et pourtant cette
chose fut bien—et de la recommencer je le ferai?[8] Toute condition remplie.—Il n'y
eut point la hâte gloutonne—mais acceptation du devoir—"Pourquoi
te troubles-tu ô mon âme"—de ce que tu vis avec ceux-ci.—Tu sais
que pour leur parler—il faut vivre leur vie—non de vice—mais de boire
et manger—et jouer et rire comme eux—afin qu'ils disent : Celui-ci est
un homme semblable à nous—et le jour de cette révélation, qu'ils disent
: "—Il n'est point chaste par impuissance"—et ils béniront Dieu
sans le savoir—de cette force qu'Il donne aux siens—O mon âme tu ratiocines—tu
rumines en tes goitres fangeux—"Ceci ne fut point échu en l'existence
mienne—mais Il me force à la vie des autres—et les exigences de cette
situation sont innombrables—Innumérables les choses à faire"—ô âme
sans artifice—Il te chaut choisir la vie solitaire—où le vice lové dort—sans
l'invitation continuelle des incidents extérieurs—Comme il ne bouge pas,
toi de te réjouir bruyamment— : "Voyez cette âme nue et simple—le
vice est mort, morte la terre." ô Pharisien d'orient lucide !—mais
voici tel son—tel arôme extérieur—et le cliquetis d'écailles—et le péché
s'allonge et siffle—et ta belle joie, néant—ta chair de fuir dans la terreur.
Maintenant Dieu t'a mis devant tout ce peuple
d'animaux—et il te faut revêtir l'armure—tu n'es plus la vierge fileuse—mais
robuste (il le faut)—le percheron solide aux cuisses. ô âme jouante dans les jardins du Seigneur—il
ne peut te nourrir et t'engraisser à rien—mais la carte planimétrique—les
rênes ductiles—la gourde et l'épée. Demande la force qui est 1/7 des dons de l'Esprit
!—Et ne te trouble point d'avoir embrassé cette fille—ne t’embarrasse
point de ta chair flairant sa chair proche—(et il n'y a rien là que d'humain.)
Tu as cru devoir le faire, tu l'as fait—peut-être
ne le ferais-tu pas maintenant—ne t'inquiète point de ce que tant de questions
proposées—sur la minute—tu ne les résolves point toutes heureusement.
Humilie-toi, Cœur Dur—confesse ta cécité—pareil
à ce vieux roi de Bohème—tout noir dans la lutte. et il y aura bien d’autres
chocs et prises de corps avec l'Ennemi—ô jouteuse tiens ferme ta lance
au corps—ô joueuse, combat dans le claquement de l'oriflamme crucifié.
Humilie-toi—Confesse que tu préfères le linge
et lin—les langes et l'ange disert dans le silence Humilie-toi—Baise la cotte et les cuissards—Bouche
tes oreilles de cire—ta bouche de plâtre—que ne s'insuffle plus en toi
Satan mélancolieux, que ne jaillisse point ce grand cri désespéré ! Et suis, de tes orbites vides,—l'Archange penniforme
Sûs au monstre débondé—dans ce grand jet de pisse et de salive bagarde!
Humilie-toi Notre père. . . . A S. il Je vs salue Marie . . . A S il. Vive Jésus. Amen. 18—3—19. Seigneur,
Seigneur, l'heure leurre—Voici le temps venu d'aller solitaire—Celui—menton
triple-plissé—nuque rousse et molle— celui-ci gras et pattu et pissant—tu vois mon
supérieur je lui dois obéissance—Et en ceci n'y a qu'humilité—dans l'exécution
réside la volupté de l'amertume— Voici plus grave—Satan—noir et cornu et riant.
Il me présente ces chairs chaudes—ces anatomies parfaites et créées—et
je sais qu'il n'y a qu'à étendre les doigts—et toutes ces chairs dans
ma paume—et le rire—et le jeu des lèvres et des jambes. Seigneur, faites que je sois comme celui qui
ne voit pas, qui n'odore pas, et que le contact et le frôlis[9] de ces choses me soit
terne— Il ne sied pas que celui qui vous reçoit et
vous mange reçoive et mange le vice—tel un azyme sarcastique—tenu en l'ostension
noire par le Nègre cabossé d'or. (Voici que je n'ai pas les mêmes raisons
d'agir—et j'innove d'autres actes)— O la grand'parodie de vos raisons sérieuses—mais
au réel, l'attente haletante—Comme la truie et le porc accouplés—moi et
cette pensée charnelle— Et je puis jouer au freluquet—l'écusson d'or
au col, l'épée sonnante, et le talon dans l'étrier—et renâcle le cheval
et s'ébroue—sous la fenêtre de celle qui sait— Mais l'âme comme un charnier puant—Y grouillent
les vers avec leurs têtes cornues et le ventre griffé de pattes—et l'homme
spirituel s'éloigne de mon cadavre—et les charogniers aux petites pattes
mobiles—bruissent de l'élytre alentour. Seigneur, seigneur, me voici dans un grand
vide, une grande plénitude de vide—et du crâne aux plantes—la morsure
de la Bête mauvaise et morne— Et si je n'avais pas la certitude que vous
êtes là présent—il se ferait en moi un grand ramas de désespoir—comme
de feuilles qui tombent— 4—6—19 Pour
moi, ma vie est orientée—et à quoi bon me détourner—de la route ténue
et tiède—(Ferme l'œil aux steppes environnantes)— O seul Hôte possible—Vous voici en popotte[10]
avec nous—assis et causant plus et mieux qu'aucun autre soit—Qu'ils prennent
dans les plats avec leurs doigts et s'empiffrant roulent ivres—mais à
nous deux une conversation à jamais délectable—polie et pensante—A jamais
l'audition des mots de vie—qui efface dans le néant l'auberge d'Emmaüs
et les grimaces de l'aubergiste— Seigneur voici ma petite anatomie pas tranquille
du tout—comme toute autre haletante dans la luxure prévue et prise— Seigneur voici ma petite cervelle toute bourrée
de votre réalité—mais qui (plaisamment) se voudrait rendre compte elle-même
des néants humains. ô Femme ventrue et blanche—à la croisée des
chemins comme une borne obscène ! Il est dit que tout adolescent te contiendra
de force—que toute cervelle jeune t'aura pour trame—Apaisez la Bête, Seigneur—et
le cochon qui sommeille, ne le réveillez point— Ayez pitié de ma prière comique et triste—de
s'appliquer à des choses si nulles—et de l'importance qu'elles ont sur
ma route. O l'humoresque prière, la bouche qui rit et
l'œil lourd de larmes— Et que vous soyez mort pour nous—et que nous
continuions à errer vers la Bestiale— Et que vous nous ayez dévoilé le Père—et que
Satan nous tente encore— 4—6—19 Rheingönheim
Seigneur Seigneur voici le moment venu
de dire—ma joie surge[11]
comme une fontaine giclante—et cette petite lumière inexplorée—qui brille
dans ma ténèbre—comme l'œil vigilant du chat peloté dans l'âtre en cendre—Centre
de ma vie ô laisse-moi descendre—au sein de ta pulpe comme une mâchoire
dans la chair—collée et close—la gueule le cor hurlent et la morsure canine—(qu'importe
la meute mordante—Je maintiendrai ce contact en Ta chair) Voici mon âme comme une petite chapelle recueillie—et
l'autre jour j'ai cueilli la fleur albe du rire—de galbe j'étais beau—dans
la tenue neuve—la cravate clouée d'or—le menton glabre—et la ligne svelte
des reins éphèbes—et autour ça s'agitait—il y avait beaucoup de filles
savantes et vénales—et d'hommes haletants à leur prise—et de grands éclats
de jambes et de rire—tous crins mêlés—torse à torse—et spécial Satan frêle
sous la gaze noire et blanche—et lui l'ami d'autre monde, gracile parmi
les gracieux (et peut-être la fourche prête vers sa taille ronde) m'a
dit : "Cette blonde, la veux-tu?" ô prodige ineffable ! ô remuement comme de
l'enfant au ventre de sa mère (et elle ne le voit pas mais d'une connaissance
interne est sûre) je me suis trouvé seul avec mon Dieu sur l'autel rien
qu'au clos des yeux—et il n'y eut pas même tentation—mais la réponse rieuse
et stable—Ce corps brandi et fiévreux ne m'a semblé qu'une torche sur
le Styx—et j'ai laissé le reflet s'évaguer et se soudre—et dans la nuit
tôt retournée, proche la veilleuse veillante— Il m'a dit "Prends-la" et moi de
rire comme un vieillard qu'on incite à saute-mouton—C'est un jeu d'enfant
et qui ne sied à l'âge grave et vénérable—A chaque temps son occupation
particulière—Au païen, la danse—la chair nue et prise—mais au chrétien
suffit son Dieu— Laisse donc ô mon âme l'imagination débordante—la
chair te semblait un fanal sinistre—et tu vois, devant, il n'y a pas même
eu tentation mais le rire sur ceux-ci—comme de porcs à l'auge— tu vois, la grâce particulière et du moment
suffit—Ne t'inquiète de tout-à-l'heure, n'envisage le moment proche—Il
le fait mieux que toi et en savant—Laisse Dieu à son comput mathématique—et
d'agencer les anges et les mondes vers ta minute qui vient—Sois
comme l'enfant qui reçoit mais ne prend point—et ne touche pas aux mets
qu'on ne lui ait mis sa serviette au cou. Prière pour avoir la confiance—Seigneur
faites que je sois enfant et que je me laisse à vos bras et que je dorme
sur vous dans la tempête—Que je n'ai point la curiosité de l'adolescence
mais la niaiserie du premier âge—et qu'ainsi je mérite le ciel suivant
Votre Parole que j'accepte d'après sa traduction commune—"Bienheureux
les pauvres d'esprit parce qu'ils verront Dieu". Je confesse confiance très complète en Votre
Grâce actuelle et ne désire m'intéresser ni à droite ni à gauche, ni d'arrière
ni devant, mais sur place—sachant meilleur le ciel avec deux yeux crevés—que
des prunelles et la Géhenne. Sainte Marie, Saints et Saintes assistez-moi
dans ces dispositions Dieu le Père ayez pitié de nous—Dieu
le Fils a. p. d. n. Dieu le St Esprit a. p. d. n. Ste Trinité—qui
êtes un seul Dieu apdn A. S. I. 27—6—19 Nordenstad
près Wiesbaden Et
maintenant voici la Vie qui recommence—avec des hommes autour de soi et
Dieu au cœur—O ne plus avoir cette mort proche et barrante Mais voici la vie militaire—enregistrée et
close au document du Chef—Pas une heure de ma journée qui ne soit sienne
s'il le veut. Pas un battement de ma paupière qui ne puisse lui être
rapporté. Voici l'obéissance totale et surannée—la corde
au cou le fouet aux reins—Et certes ma tunique est neuve, chamarrée d'or—mais
c'est tout comme la livrée blanche et noire du forçat—car il n'y a pas
de refus possible—ou sinon toute la hiérarchie à l'envers, la France perdue—
Mais pourquoi est-ce que vous m'avez donné
ce sang rouge et chaud—cet élan vierge cette Force !—me voici gouvernail
aux poings d'un imbécile—imbécile moi-même aux poings d'un pire— Et que je regarde en moi-même : Je suis fort
et libre—Il y a Votre autel et ma flamme rouge recueillie—Et dehors :
Nul—des marionnettes vagissantes—et je n'ai rien d'autres d’eux-mêmes——que
des phrases banales recueillies—aussi s'évoque l'élan des gestes—vers
quoi ? Et plus en détail—celui spécial borne ma route—Il
est chauve et niais et pue des pieds—et ses lèvres sont comme des crevasses
mauves—et son front de rides rigides torturé—O les ongles de deuil—les
dents de crasse—mais surtout la belle langue de France le doux parler—il
l'écache et l'arrache d'entre ses dents—comme il de l'ongle.—la fibre
des viandes mâchées. Voici pourtant mon directeur—Vous lui mîtes
aux mains la crosse dans ce but tout spécial de me guider un an. Et c'est
comme s'il avait la tonsure et la sandale pourpre—et je m'incline devant
sa Face de Maître— O que cela est dur d'être mis aux mains de
marionnettes méchantes—Pourquoi se rebeller : Tu perces—il ne sort que
du son—Tu tailles—et le collage léger répare. Ils n'ont point d'étalon—point de mesure rigide
stable—comme Moi Vos Bras extendus, Maître—mais courent de l'un à l'autre
avec la vivacité déconcertante de l'enfant—propos de soudard—et dans l'action
des bêtises de jeune fille. Et puis je suis—Il y a en moi un grand désir
de presser contre ma poitrine—et il y a beaucoup de jeunes filles qui
s'offrent—mais ça ne serait pas du tout ça—comme étreindre un mannequin
dans l'armature de bois rigide— Et j'ai tant soif d'amitié ! Je voudrais du pur et du bon—O je ne suis pas
difficile, mais un petit chien ou un homme potable me suffirait. De chien
il n'y en a pas—et l'homme, dès que mon cœur bondit, timide—dès qu'il
voit que je ne suis pas comme lui mais une partie dans Dieu et l’autre
désirante—Il s’effare—parce qu'il est bien avec lui-même—il se suffit
à lui-même—Il est comme un jardin bordé, ratissé—et n'a que faire de l'enfant
fou qui rit dans l'Astre—et égratigne les plates-bandes Et puis ils ont des mots que je ne saisis pas—et
mon âme se retire comme la sensitive froissée—et il n'y a plus de moi
que le masque rigide et vide (si peu moi !) et en moi ce grand sanglot
de solitude qui brame— Non que je sois seul avec Vous (qui me suffit)—mais
j'aimerais si bien en Vous ceux-ci vêtus de corps—et j'aurais toute la
mimique de l'amour quoique non-apprise et il me semble que je serais l'ami
qui aime… O vaine protestation—Face louche—si tu aimes
ton Dieu contente-toi—Voici cet exemplaire d'humanité devant la route—il
a la crosse en main—et tu dois l'aimer comme tout supérieur—Abstiens-toi
des recherches—l'œillère à droite et à gauche—Marche dans la route tracée—avec
pour guide—le claquement du fouet cruel—et les jurons du conducteur Le foin t'attend. 29—7—19 DACTYLOGRAPHIE O
que cela est dur, et ce travail quotidien qui m'éreinte—et le bras, la
nuque et le coude dans le travail avoué et cocasse—Heureusement que je
ne vois pas bien fort—et que je m'accroche tout pétulant dans les plis
de Votre robe en fleur—Car voici le jour d'obéissance—et malgré qu'on
le purge ou l'endorme—l'enfant sait bien qu'au fond c'est sa mère qui
a raison—Il piaille un peu pour la forme—et s'endort dans la fiance— Si de moi : Ce seul jour que j'écrivis ces
lignes contre lui—il est disparu dans la récolte,—et comme un accident
négligeable de terrain—Me voici libre et je regarde autour de moi—de droite,
de gauche, de tous côtés—dans ma paume il y a de beaux bouquets d'or—et
proches, mais glacés comme d'une vitre—de beaux corps et seins de jeunes
filles naïves— Et voilà ce que je voulais Vous dire : A nouveau
mon regard jeune vers ces corps qui ne sont pas de mon sexe—le durcissement
bestial du phallus—et ce petit frisson à fleur de peau comme du chat qui
se gratte—A nouveau mon corps comme une branche d'aubépines—pleine d'épines
mais bien vive—mais il n'y a plus la fièvre lascive et moite des seize
ans—la montée aux joues d'amour et ce désir pervers des volets clos—et
cette connaissance orgueilleuse de ma Force et de ma condition—Je ne suis
plus qu'une dépouille—comme le Vin long-décanté qui se déshabille de sa
lie—ainsi me suis-je dépouillé d'orgueil.—Mais qu'on ne le remue et ne
le couche point—ou tout l'abject remugle encrasse le diamant pur ! Il y a en moi une grande joie dans la connaissance
de ma Pauvreté—et ce corps petit et poilu, doté d'un ventre énorme—et
les boutons et crevasses de la face—je les connais si bien que je les
jette en plein soleil—et je me ris dans mon soleil. 8—19 Il
y a ici des jeunes filles en fleur—saines et robustes avec une âme comme
de grande vache tranquille—et du col rond des nuques grasses que découle
le regard comme une gemme claire sur l'opulence de la poitrine saine,
les reins vastes et durs, la ligne du dos docile le jeu d’élastiques chairs—Elles
ont la simplicité de marcher nu-pieds souvent et la plante plate l'orteil
habile meublent et répercutent l'âme comme le jeu des doigts et des mains—
J'aurais plaisir à l'une d'elles docile, entre
mes mains comme une poupée molle et moite avec ce sourire ruminant et
la prunelle plate comme un fruit bleu—Je rêve d'une comme d'un coussin—ou
comme d'une tour que j’assiégerai dans les foleurs[12] de la jeunesse—ou comme d'un clavier
souple et voluptuant—sous le contact des doigts habiles— Il en est d'autres plus maigres, âcres—courbées
au renoncement des lavages quotidiens—et dont le meilleur repos est en
l'épluchage des légumes—Celles-là, la vie les a déjà serrées de près—d'anxiété,
quelqu'unes[13]
se sont données—et il leur en reste aux yeux l’effarement du brutal, l'agonie
du désir su. Mais elles sont bien humbles et propres, empressées au service
coutumace—et elles quêtent l'accueil de l'étranger—avec l’humilité du
chien dans la promesse de la femme. Il y en eut une d'âme transplantée—dont
j'admirai le délicat linéament—petit cœur perdu et fratride[14]—dans
sa famille grosse et grasse—A celle-ci par-dessus nos pays et nos religions
mêmes avec l'apitoiement du pauvre pour le pauvre—j'ai donné la main—et
j'ai joué dans ses doigts mes doigts qui savent, et j'ai voulu dilater
son âme frileuse, mais qui perdit l'accoutumance— Et cette autre Belle-du-Soir, connue au bord
du Réverbère—avec ses dents pointues et mauvaises, la narine sémite, le
puits nocturne d'yeux magnifique ! Ce corps cambré, savant d'attaches,
ces gants blancs à ces doigts suburbains, le verbe rieur et noble—Je me
suis penché sur elle un instant mais cabré Je me redresse et je fuis collée
aux naseaux l'odeur du soufre! Et me voici seul à nouveau dans la plaine pleine
de haine—je n'ai pas trouvé une âme à me refléter, pas un miroir docile
à mon image—Seuls quelques jeux (—et encor vers cette âme candide—quelques
soirs—) mais nul robuste savoir—nul secours réel—O mon Dieu, voici encore
des expériences tentées, des verres bus, dont il ne reste à la glotte
qu'une âcre morsure des lies— L'heure est venue de me "résigner"
à Vous—puisqu’il est dit que nulle créature ne Vous prévaudra—qu'il est
certain que nulle création ne dépassera le Créateur. Et pourtant
Vous semblez pauvre et borne, croix d'1m50 de haut face à la
Terre multiple et riche—Retirez la Terre de mon être—que je vous étudie
en silence et que sous la croûte saignante de Votre Corps—se dévoile,
claire l'hypostase ! Assomption 1919 [15 août] ô
Dieu ! comme il se fait tard et comme l'espoir s'éloigne de moi dix mois
d'attente ! et vous me faites perdre tous mes paquets—et Vous germez
en moi cette graine de silence. Voici les Anges attentifs à mon cœur—et
ils n'entendent rien sinon le bruissement des désirs et l'ahan précipité
des artères violentes. Voix de la chair : "ô la tenir
toute, bouche, tripes et boyaux et tout dans ma main pétrissante. A nouveau
le goût de sa bouche et le jeu des paupières pâmées, avec ce regard en
charnière—et cette fois-ci non plus comme des communiants naïfs mais la
ruée rouge, l'assouvissement plénier." Vous voyez mon Dieu comme il est curieux, ce
pauvre cerveau pâle—et comme la tentation infiltre subtilement dans les
basses régions organiques. Parce que j'ai tenu ce pauvre corps, squelette,
muscles et tout, je veux le retenir encore—et avant cela je n'en avais
pas désir, mais aujourd'hui l'odeur m'affole—Je suis comme le chien qui
flaire la table—un coup d'œil au maître, et aura-t-il ou non du mets présenté.
Mais Vous, rieur, voici le neuvième commandement
en Vos mains—et cette chose crue innocente, voici qu'elle se détache en
amplitude de soufre—et non point de ce que j'ai fait, qui était chaste
(?) mais du désir qui m'a germé aux reins. Je vois que celui qui est à vous, il n'est
à d'autres, il ne possède nul autre—et il n'a pas permission de goûter
aux créatures, mais leur mue en cendre sur sa langue—Adonc il agite sa
clochette et passe—et qu'il le désire ou non—tout s'éloigne de lui ou
s'évanouit quand il approche. Voici Dieu pendu à mon cou comme la clochette
des pestiférés—et c'est l'annonce autour de moi des régions désertiques—et
la main et les yeux ne toucheront ni paume ni regard, et les pieds ne
se reposeront dans nulle paume amie, ni la tête aux seins tranquilles—mais
il me faut avancer péniblement—dans la grande nuit stellaire et dans l'horreur
de la ténèbre. Et cela m'est pénible car je voudrais comme
d'un petit enfant qu'on berce, m'appesantir aux bras lassés—et cette chair
chaude contre ma chair—et cela me serait joyeux de ne pas assembler d'idées
l'une dans l'autre—de ne pas jouer l'homme raisonnable—mais bien plutôt
l'âme et la main pendent au bord du sommier blanc—et l'éparpillement des
cheveux et du rêve—au creux blanc et lassé de sa présence amie— Mais il n'y a rien de cela dans mon réel—le
lourd harnachement de guerre—le contact lourd d'âmes bestiales—et ces
plaisanteries obscènes sur la femme—Alors je me retire avec non pas la
force de pleurer—et au creux des mains la fièvre du vide—et la prunelle
veuve d'autre regard—Voici que je ne suis le fiancé d'aucune chair mais
de l'Esprit— Il me faut me résigner à ma condition noble—et
comme il n'est pas permis de jouer aux petites infantes—ainsi l'homme
en Dieu, il ne doit pas s'agiter en vain—et il serait si bon se rouler
dans l'herbe et déchirer sa ganse aux ronces—et il serait si bon proférer
des paroles—et lever les jambes et les bras comme les personnes raisonnables—mais
elle va salir ses velours aux boues—et l'âme elle se souille aux contacts
creux—et voici que retombe le bras lassé de l'enfant noble—et mon âme
elle se retire en elle-même et pleure. Voix de l'âme : “Seigneur mon Dieu un seul
attouchement et je serai consolé—un seul regard et je vous bénirai tout—voici
que je me suis retiré dans Votre forteresse—mais elle est vide et je n'y
trouve pas trace de Votre Présence—et par contre dehors hurle et déferle—le
rythme des créatures concrètes—et par la fenêtre il en est de toutes couleurs—des
rouges, des jaunes, des bleus—des lumineuses des sombres—Elles ont des
bouches et des yeux,—et des mains pour saisir—Alors je me retourne espérement
vers Vous qui êtes présent—je ne vous vois, vous touche ou vous odore—Seule
la grande chambre nue et moisie—où le siècle décante une odeur fade.
O Dieu dont la présence m'est certaine pas la moindre aile plumeuse à
voir—votre chair d'enfant n’est-elle à toucher—ou l'odeur d'encens aux
narines ! Pauvre mais—est-ce que Dieu se révèle aux personnes de ta condition—qui
ont l'or aux manches, l'orgueil au cœur—Tu sais qu'il a donné bien des
choses à cette femme simple et humble qui ne demandait rien—toi qui demandes
tu n'auras rien”— Je me retire un peu consolé de savoir ma bassesse—et
qu'en effet il serait ridicule que Dieu se montre à un être tel que moi—et
qu'il sied faire le vide absolu dans ce Vase (de mon corps) afin qu'un
jour l’Echanson des noces s'y penche—et le voyant parfaitement sec et
pauvre—il juge bon l'emplir pour le festin de l'Epoux Bitche 18—10—19 [1] Remplace : ses. [2] Néologisme. [3] Remplace : cabrée. [4] Omis : —ils ont besoin l'un de l'autre—.
[5] Sic, néologisme. [6] Original possiblement : râse. [7] Original : Regardes. Erreur habituelle
de Charlot. [8] Charlot a mis ici une note en dactylographie
en bas de page. [9] Néologisme. [10] Sic : popote [argot du poilu].
[11] Néologisme ou anglicisme; le mot
a été ajouté par Charlot au début des années soixante-dix pour remplir
une lacune dans le manuscrit. [12] Néologisme et jeu de mots basé sur
la phrase “voleurs de jeunesse”. [13] Sic : quelques-unes [14] Néologisme.