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NOTES SUR L'AUTEL DE ISENHEIMER
DE MATTHIAS GRÜNEWALD


1h45 train

Crucifixion—l'effet est presque monotone—fond et Christ d'un noir glauque

1 appel de blanc intense à gauche : la Vierge. 

équilibre par des rouges : à droite J. Baptiste fraise à gauche St J. vermillon.  au pied Madeleine rose carminé—

détails : l'agneau blanc sale.  l'horizontale orange de la croix.

l'ouverture glauque du paysage au fond.

le Christ : Tout le corps gris glauque, sans lumière saillante, hors le linge blanc gris aux cuisses

Il s'efface sous l'inscription blanche aux lettres noires

La tête : le glauque s'illumine à l'oreille d'un vermillon clair du sang apparu aussi aux gencives dans l'auréole bleue des lèvres. 

Même sang clair coulé du cœur, s'achève en filet sous la cuisse, hors du pagne. 

Celui-ci effiloché, éreinté, en camaïeu gris. 

Les plaies vermillon auréolées d'un bleu de chairs faisandées, les cuisses et jambes claires sur noir dans la lumière et foncées sur le mauve de la croix dans l'ombre—Les ombres sont chauffées par des orangés.

Les pieds étirés, comme désossés d'un vert plus chaud. 

Le petit orteil du pied droit contre le pouce du pied gauche, du sang vermillon coule aux doigts

La Vierge : drapée d'un blanc pur avec des ombres bleutées au clair-obscur très accentué au corsage crème forme liant avec le visage terreux où le nez pointe bleuté (bleu prusse très léger).  les yeux chauffés d'orange sous l'ombre du voile, manches et bas de robe vert bouteille sombre

St Jean Évangéliste : vermillon franc carminé vers la tête et aux manches.  perruque blond fade.  masque terreux encore mais rosé par rapport à celui de la Vierge.

Sous le pan du bras gauche le terrain a été éclairci à grands coups de pinceau.  avec un fond de monts glauques en frottis (repoussoir au rouge du bras)

Madeleine : au corps noyé dans un flottement carmin crémeux, bordé au bas d'un vert bouteille jaune avec pans d'un drap d'or rigide à ombres vermillons.  Une cordelière vermillon flotte au ventre.  Cheveux blond or friselés, guimpe vert émeraude profond d'où jaillissent les bras glauques ombrés de vermillon pur (bras gauche).

mains et visage de chair vivante.  Les mains aux jours bleutés, la face aux joues roses ombrée au menton de carmin, au cou de vert mousse ombrée au nez de vermillon, ainsi qu'aux joues vers les yeux apparus sous le voile translucide mauve, rose et vert.  timbale céramique blanche dessins bleus largement apparus (daté?)

St Jean : vêtu d'une peau à fourrure en dedans nouée d'un nœud énorme et gris ombré rose et mauve (clair-obscur éclairage en dessous).  Drapé d'un manteau carmin orangé dans les clairs.  Pieds fatigués, doigts aux ongles bleus, chair mate chauffée dans les ombres.  Livre aux ombres translucides.  agneau de blanc aux ombres grises en frottis, chauffé de touches bleuâtres.  il saigne du vermillon dans un calice de guingois.  Belle harmonie par alliées entre le rouge du manteau et la peau tannée-orangée du costume.

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Annonciation : basée sur le camaïeu gris de la chapelle avec l'appui solide de 2 rouges alliés : à gauche le rideau vermillon.  A droite le manteau carmin de l'Ange (et le rappel rouge des arcs de voûte)

Ange : en coup de vent.  robe orangée comme enflammée.  col et poignets, d'or.  En même valeur l'appui d'une ceinture vermillon.  Le manteau laqué possède deux éclairages : a) le centre-jour de la fenêtre.  b) le rayonnement du manteau soufre.

a) agit soit sur la surface de l'étoffe en carminé blanc, soit par transparence avec des carmins chauffés de vermillon.  Les clairs-obscurs sont peints de même.  Dans les obscurs toute la gamme carmin jusqu'au noir franc.  L'éclairage de b) comme émané du corps travestit le carmin jusqu’à l'orangé,[1] en passant par le vermillon, reflété par la ceinture, transperce au travers de l'étoffe.  l'aile aperçue est vermillon, ombres vert mousse et reflets blancs.

carnations carminé bleu.  ombre du col rouge au cou.  perruque légère et bouclée, or, marron, noir.  Tout le haut se détache sur le gris fer de la chapelle. 

La Vierge : robe du noir profond à l'émeraude mat, avec des éclaircies par reflet comme d'un velours lourd à plis rare.  doublure aperçue et cordelière vermillon clair.  Mains à ombres bleutées avec plus de sang aux jointures.  Le visage comme enflammé, cheveux or.  ombre du col sur le cou grise : (largement posée, a débordé sur le dessin du col).  livre posé en contre-jour ombré d'orange refroidi de bleus.  fermoir laque posé sur un autre livre relié de noir à fermoir d'argent.  boîte en frottis laissant transparaître le bois.  dessin comme entaillé (?).

La double nef s'éclaire vers la fenêtre, réchauffée en haut à gauche par l'orange des sculptures et le mat d'un prophète.

nervures des voûtes, l'une rouge-orange, l'autre vert (anglais) mat.  rideau mousse allumé d'orange sur une tringle vermillon.  A terre une mosaïque désagréable : vert mousse, vert émeraude, vert bouteille, carmin, rose, gris, noir bleu, jaune, orangé.

Transfiguration :

détails : fond bleu nuit, bleu céleste vers l'auréole, pierre gigantesque horizontale orange profond.  A gauche flammes et un Satan (?) perdu dans le bitume—tombeau rosé—chevaliers de 1er plan : aux aciers bleutés, relevés de rouille vers le suaire.  cotte noisette.  jambes noisette gris pour l'un.  l'autre couvert de lanières rouges.  brins d'herbe observés.

A droite au fond chevalier à l'armure jaunâtre, vêtu rouge et orange (dans la lumière de l'apparition).  Dans l'ombre chevalier fer émeraude pour l'armure.  nuages violacés.

N S Jésus-Christ : Le mouvement d'envol part du suaire encore au cercueil (du bleu céleste {clair} au blanc {avec appui au pourpre du Soudart}).  A hauteur des pieds il passe au violet pieds violacé rose.  plaies sombres rayonnant jaune.  vers le corps suaire violet mauve. 

A l'extérieur vers le bleu de nuit.  pans bleu céleste et rougeoyant jusqu’à l'orangé.

Coupant les jambes la ligne carmin du manteau s'échauffe au vermillon en montant, puis orangée s'efface dans le rayonnement du torse en jaune jusqu’à blanc lumière venant du corps.  ombres vermillons.  Le torse : Apparu à hauteur de la plaie qui rayonne jaune, mauve ombré de bleuté froid en même valeur presque.  bras mauves éclairés par le chef, mains s'allumant de leurs plaies.  figure jaune blanc—ombres roses valeur approchante, où ne subsistent que le noir de la prunelle, l'ombre légère du nez et des lèvres. Auréole dégradée par les carminés et mauve puis vert mousse et bleu céleste ou transparaissent les étoiles. 

Nativité : fond dégradé du noir au blanc, du gauche à droite.  Appuis à gauche du vermillon, à droite du carmin.

Concert d'anges : architecture aux teintes nougat, carminé éteint violet gris.  Sculptures marrons (harmonie alliée du violet gris et du marron).  Supérieur : rinceaux gris fer sur entrelacs fer mousse (harmonie du gris fer et du marron clair).  Colonnes verticales or sur émeraude noir portant des arcades vermillons éclaircis au blanc sur linteau violet et émeraude.  Anges : Arrière plan de gauche à droite :

Ange vert mousse vagué d'or jouant d'un archet d'or.  ailes gorge-de-pigeon.  Sur fonds de rideau orangés.  ombres au visage roses.  dents rouge vif.  Entre lui et la viole tête qui pleure marron auréolé vert puis quatre têtes à collerettes de lumière : 1) violet noir à cheveux vermillon très clair

2 chairs naturelles bras et lumière mousse. 

3 chair naturelle mais diluée dans le bleu de l'auréole.         DIAGRAMME

4 têtes carmin ailées auréole jaune, carmin, bleu. 

Un ange joueur d'instrument à cordes.  fermoir du manteau, archet et bagues d'or.  robe carmin en haut à ombre brutale mousse.  Plus bas elle éclaircit au jaune, mi-teintes mauves ombres bleu pur et vert pur.

au fond : camaïeu d'anges rouges d'abord puis bleus.  grand ange au 1er plan robe blanche—demi-ombres aux manches et aux pieds mauves.[2]  clair-obscur aux manches au ventre et au dos rose du crevette au vermillon pur.  Au pied du bleu et vert-mousse comme rajouté sans but.  étoffe détachée sur terrain noir franc.[3]  carnation comme la robe, sauf clairs jaunis. 

en avant : femme couronnée visage blanc à ombres carmin tout dans l'auréole (cheveux) jaune clair.  Couronne vermillon pur.  puis bras et mains en camaïeu jaune et rouge.  puis violet, puis vert émeraude, puis vert mousse.  Au-dessus : anges la couronnant. 

détails : baquet ivoire sur les marches carmin (harmonie).  carafe avec ombre éclairée de l'eau.  Un vase céramique bleuté. 

panneau de la Vierge : il est séparé de l'autre par un rideau vert noir.  fond frotté bleu prusse.  nuages violacés et Père Eternel dans une gloire rousse (ridicule).  montagnes en frottis bleu prusse.  clairs roses et blanc (technique belge.)

Sans perspective aucune, au-dessus d'un château minuscule (mauve, toits gris).

L'annonce aux bergers.  Collines verdâtres (derrière la tête de la Vierge).  mur rose carminé.  A gauche : figuier en couleurs naturelles, détaché en noir sur l'horizon.  A droite rosier couleurs naturelles.

La Vierge : robe en camaïeu carminé du blanc au noir plein.  bordée de fourrure grise.  robe dépassante bleu éteint.  (détachée à droite en noir sur blanc (pierre blanche)) manteau bleu émeraude.  fermoirs d'or aux corsage et manteau.  linge pour Jésus blanc troué.  ombres gris et bleutées.  A gauche au pied berceau vieil ivoire avec ruban vermillonné. 

chairs : naturelles.  La Vierge plus rose, le corps de l'Enfant plus bleuté.

Des passages bleutés et violacés.  Christ et Elles blonds.  Exécution admirable, les ombres au minimum, suggérées par des teintes froides.  Derrière la Vierge, lueur jaune. 

St Antoine et St Paul :

Même frottis bleu prusse et blanc pour le fond.  Tout le paysage marron sale et vert détaché en noir sur le ciel.  Le noir et le marron de l'oiseau et du pain sont beaux.

En 1er plan brins de gramens[4] et pavots défleuris.  St Paul chairs un peu orangées vêtement paillé verdâtre.  ongles longs et bleus, biche ton naturel.

St Antoine : vêtement du gris au bleu gris avec ombres mauves.  manteau carmin rose, robe bleue prusse.  Dans les chairs des blancs bleus.

Pas d'harmonie générale.

Tentation de St Antoine :

Saint, robe bleu prusse à manches carmin.  Même manteau que précédemment gris, gris à clairs roses.  la doublure violette s'éclaircit en orange.

Démons basés sur l'orange et les appuis carmin et vermillon.  Le bras frangé de l'un se fronce pour se détacher sur le ventre clair d'un autre.  une main à des ombres de carmin pur.

Le beau du manteau c'est le clair-obscur.  Le lépreux frotté jaunâtre a des touches en relief de rose franc[5] pour clairs—les traits marqués en noir sur un frottis léger.

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Un Père Eternel carmin et jaunâtre (laid)

St Sébastien : au manteau rouge sur camaïeu gris sauf le paysage qu'ouvre la fenêtre, du bleu mat et vert froid.

Le St Antoine : harmonie carmin et vert bouteille.  des clairs-obscurs aux doigts.

La prédelle : le paysage, la Vierge, le Christ aux tons froids.  Le tombeau Ste M Madeleine, St Jean tons chauds.

Le Christ aux chairs faisandées, lacérées de laques.  ongles noircis par la mort. 

Le suaire bleuit, le pagne s'ombre de vermillons.

La Vierge : ivoire blanc dans son voile blanc.  Du bleu froid aux manches entr’aperçues.  du menton au col une ombre noire le détache.

St Jean.  nez juif.  perruque blonde, manteau vermillon à écharpe translucide et laquée.

Ste M. Madeleine.  corsage plisse bleu gris.  col laqué.  écharpe noire, tous tons froids desquels jaillit la chevelure orange chaud.  Le visage rose aux yeux carminés. 

fond frottis bleu prusse avec collines en avant verdâtres.

 

Grünewald n'a rien à apprendre pour la vision.  Sans tradition il a trouvé tout.  Nous, éduqués par des générations de chefs-d'œuvre, à son étude, avons l'impression d'une chose neuve et d'un progrès sur les autres.

Il voit les couleurs et admirablement les variations colorées dans l'ombre et les clairs-obscurs.  Dans les lumières il plaque à valeur égale le ton dominant d'autres le chauffant ou l'affroidissant suivant les cas. 

Le gris qu'il emploie dans certaines ombres est indéfinissable : très chaud il tient du mauve et de l'orange, quoique gris—

Il compose son ensemble sur un ou 2 tons dominants qui s'équilibrent.

Il sait surtout s'imposer une discipline (fond noir du Christ.)

Une fois l'harmonie générale trouvée, il étudie les grands tons et les soumet à toutes leurs valeurs et alliées, avec un raffinement extrême.

Dans les beaux endroits il s'échauffe, peint alors par larges touches sur le frottis premier.

Puis il erre dans des finesses fausses (Père éternel).  alors sec et d'un dessin déplorable, des nuances déconcertantes (anges). 

Son dessin ne cherche pas les volumes mais la ligne.  Les faces sont comme développées sur un plan.  tous les doigts contournés comme de goutte. 

L'intensité expressionniste de certains morceaux rappelle (le dessin de Matisse), les préparations de Cézanne.  Pour les parties les plus légères, un frottis initial posé avant le dessin, peut-être sur le bois entaillé, puis le dessin repris d'improvisation, d'un trait courant du pinceau, avec pleins et déliés, noir le plus souvent, pour certaines chairs carmin. 

Dans l'Annonciation, le coffre où reposent les livres : le dessin du couvercle ne se raccorde pas avec le bord du coffre, mais y pénètre.  Le trait vertical extérieur dessiné jusqu’à son point de jonction supposé avec le couvercle (a) n'est plus ensuite marqué que par l'orange de la robe de l'ange qui s'y arrête en épaisseur, comme sur une entaille.  Le trait semble tracé avec une règle et dépasse son dessin.

ILLUSTRATION.

L'espace inutile en b laisse apercevoir le bois légèrement glacé. 

La photo déforme parce que beaucoup d'ombres ne sont indiquées que par un changement de couleur et non de valeur.

 

La Vierge à la rose de Schongauer[6].

Je l'ai mal vue a) à cause de son emplacement trop haut et sans jour.  b) de son cadre sculpté peint et doré (moderne) qui éteint les couleurs très sobres et très profondes.  Le vernis a foncé.

La Vierge en robe bleue, la roseraie silhouettée sur un ciel assombri. 

Les clairs à l'Enfant et à la main qui le porte, aux valeurs très savantes.

C'est de l'Ecole de Cologne, en triste, et plus de tact.


[1] Rayé : double l'éclairage du jour par un. 

[2] Remplace : bleutées. 

[3] Rayé : en avant : femme. 

[4] Editeurs: Graminées?

[5] Remplace : pur. 

[6] Original : Schongaüer.  Le titre original du tableau est La Vierge au buisson de roses

Bibliographie