Désiré
Louis Maigret, missionnaire de Picpus, entreprit un journal de sa vie
dès 1834. Le journal couvre près d'un demi-siècle. Les dernières entrées
seront datées 1880. Maigret meurt en 1882. Le manuscrit
original est conservé aux archives de la mission catholique dans le presbytère
de la cathédrale Our Lady of Peace, à Honolulu. Il est divisé
en quatre volumes plutôt en assez mauvais état, le texte autographe couvre
environ 900 pages d'une écriture minuscule, bien difficile à déchiffrer.
En grande partie inédit, ce journal ajoute maints détails à l'histoire
des missions d’Océanie au XIXe siècle. En effet, Maigret eut
un rôle à jouer aux îles Gambier, à Tahiti, à Ponapé, et pour une période
terminale de son histoire une quarantaine d'années à Hawaii. Comme
épilogue au troisième cahier du journal, Maigret nous a laissé un calendrier
des événements de sa vie. Les premières dates: Né le
14 septembre 1804. Le journal
s'ouvre à cette date. Le jeune missionnaire va avoir trente ans. Mgr
Rouchouze, récemment créé Vicaire Apostolique de l'Océanie Orientale,
avec le titre d'évêque in partibus de Nilopolis, va faire voile pour son
lointain domaine. Maigret, deux autres prêtres et trois catéchistes s'embarquent
avec lui pour les îles Gambier. D'autres missionnaires amis les précèdent
: Chrysostome Liausu, l'un des deux Préfets Apostoliques du Vicariat,
débarque aux Gambier avec un premier groupe le mois d’août 1834, après
une traversée de plus de sept mois. Dès la
première entrée, une note intime nuance les faits historiques : Mercredi
29 octobre 1834. En montant à bord, mon bréviaire tombe dans la mer;
il surnage pendant près de dix minutes, mais enfin j'ai le bonheur de
le sauver. 1er
décembre 1834. Nous sommes à la hauteur de Ste Hélène.
Trois coups de canons en honneur du grand Napoléon. Février
1835, on fait escale à Valparaiso. Là, Maigret copie dans son journal
des textes en espagnol, d'une cursive facile qui prouve sa familiarité
avec la langue. Forts de leur expérience séculaire aux missions indiennes
du Chili, les Franciscains font de sages suggestions concernant le baptême
des idolâtres. Et ils envoient des donations. On atteint Akena, aux
îles Gambier, le 9 mai 1835. A ce moment, Mgr Rouchouze pense y établir
son siège. 14
mai 1835. Messe solennelle à Mangareva. Enthousiasmés
à la vue des mitre et chasuble, crosse et calice, les insulaires accueillent
l'évêque comme un dieu. Quant au jeune Maigret, il se lance avec fougue
dans l'aventure dynamique que sera la conversion de 2 000 “sauvages”.
On jette à bas les idoles. 16
juin 1835. On le jette [l’idole] dans un énorme trou où l'on avait
enterré tout le bois des idoles. Maigret
fait une intense étude de la langue. Il improvise sa méthode au petit
bonheur. Il ne choisit comme exemples que des phrases qu'il peut illustrer
sans ambages : Faire
tourner rapidement son parapluie. Consciencieusement,
il compile une liste savante des dieux de Mangareva, ces mêmes dieux qu'il
brûle avec zèle par ailleurs! 10
avril 1836. Le roi regarde comme un enfant à travers les roseaux
de notre cabane. Je lui demande : qui êtes-vous? Il me répond : moi
donc; qui vous? Maputeo. Que faites-vous là? Je regarde, etc..., etc…
Conversation très curieuse entre moi et sa majesté Mangarevienne. Maputeo
est baptisé Gregorio en honneur du pape régnant, Grégoire XVI. Mgr de
Nilopolis se sent à l'étroit aux îles Gambier. Usant de leur droit d’antériorité[2]
des missionnaires protestants de langue anglaise se sont établis en force
à Tahiti et aux îles Sandwich. L'époque n'est guère œcuménique et Rome
n'a nul attrait pour eux. Quant aux catholiques, arrivés tard, ils s'apprêtent
à lutter sur deux fronts avec un zèle égal, contre les sorciers païens
et les pasteurs protestants. En novembre
1836, Mgr Rouchouze hasarde deux des siens, les PP. Laval et Caret en
territoire “ennemi”, à Tahiti. La reine Pomaré leur refuse le droit de
séjour. L'incident s'avère international. II oppose le Reverend[3]
George Pritchard, consul d'Angleterre et conseiller de la reine, au consul-trafiquant
belge Mœrenhout. Ce dernier, qui s'allie aux catholiques, jouit d'un
titre imposant : Consul Général des Etats-Unis aux îles Océaniques. Mgr de
Nilopolis se considère insulté dans la personne de ses prêtres. Pour
enregistrer sa plainte, il envoie les PP. Maigret et Caret au plus proche
consulat français, c'est-à-dire au Chili. Les pères partent des Gambier
en janvier 1837, arrivant à Valparaiso en mars. En vue
de sa mission, Maigret transcrit in extenso dans son journal le
dossier de l'affaire : En tahitien
: lettres de la reine Pomaré. Maigret
reste six mois au Chili, travaillant à temps perdu à un dictionnaire français-mangarevien.
Quant à sa mission officielle, elle portera ses fruits. Bientôt, une
frégate de guerre, braquant ses canons sur Papeete, inculquera à la reine
Pomaré le respect de la France, fille aînée de l'Eglise! En juin,
Mgr Pompallier, Vicaire Apostolique de l'Océanie Occidentale, fait escale
à Valparaiso. Avant de s'établir aux îles Carolines il pense visiter
son confrère, le Vicaire Apostolique de l'Océanie Orientale. Pour Maigret,
c'est l'occasion de retourner à son poste : Pour Valparaiso il quitte
Mangareva donc avec Mgr Pompallier le 10 août 1837. On touche Akena le
13 septembre. 14
septembre 1837. Mgr de Nilopolis, Mr Columban
et moi partons pour Taravai, nous y arrivons vers les 10h du
soir…Nous allons à l'Eglise…Mgr et moi passons encore la nuit
à nous occuper des affaires de notre mission. Une encoche
détache cette entrée des autres. Ainsi, discrètement, Maigret suggère
un secret. C'est que dans la nuit du 14 au 15, le frère Columban Murphy,
irlandais, a reçu l'ordination sacerdotale des mains de Mgr Rouchouze,
Maigret en étant le seul témoin. Pourquoi
tant de mystère? Les PP. Maigret et Murphy s'apprêtent à partir pour
Hawaii où les restrictions au droit de séjour sont tout aussi drastiques
qu'à Tahiti. A ce moment même, le P. Alexis Bachelot, Préfet Apostolique
des îles Sandwich, quoique malade, s'attend à être déporté, ayant en vain,
une fois encore, essayé d'entrer dans les îles dont il a charge. Il est
probable que le droit de séjour va être refusé au P. Maigret. II est
probable que le crypto-prêtre Murphy pourra défier l'interdit. 6
octobre 1837. Nous partons de bon matin pour Sandwich. Robert
Walsh, prêtre anglais, avait la permission d'exercer son ministère comme
aumônier des étrangers. Kekuanaoa, gouverneur du fort et maître du port,
interroge à bord les nouveaux venus. Le consul d'Angleterre affirme que
Columban Murphy n'est pas un prêtre, et celui-ci est libre de débarquer.
Mais Maigret devra repartir sans même mettre pied à terre. Kekuanaoa
profitera de l'occasion pour se débarrasser d'un autre gêneur, le patient
Père Bachelot, qui d'ailleurs est bien malade. Dans
son journal, Maigret copie in extenso les documents de l'affaire.
Le temps venu, la France, forte de ce dossier, fera à Kamehameha III,
roi des îles Sandwich, la même leçon qu'à la reine Pomaré. Pour
le moment, dans son journal, Maigret confie sa peur d'un futur qu'il ignore.
3
[?] novembre. Mr. Dudoit, agent français, et Mr. Walsh viennent me
voir. 8
novembre. on parle de me forcer d'aller en Chine. Pour
une avance de 1 000 piastres, Mr. Dudoit offre une de ses goëlettes, Le
Honolulu, pour transporter les PP. Bachelot et Maigret jusqu'à Ponapé—île
de l'Ascension—en Océanie Occidentale. Moyennant un second versement
de 2 000 piastres, la goëlette deviendrait la propriété des missions.
Anticipant ce jour, les Pères baptisent le navire Notre-Dame-de-la-Paix.
17
novembre 1837. Enfin me voilà sur la goëlette Notre-Dame-de-la-Paix.
Le 5
décembre 1837, Mr. Bachelot se meurt à 2 h. du matin. Maigret décide
contre des funérailles en mer, espérant édifier, le temps venu, un monument
digne de ce missionnaire qui est bien près d'être martyr. 13
décembre 1837. apercevons l'île de l'Ascension. Maigret
va rester à Ponapé pour la majeure partie de l'année 1838. La goëlette
est à nouveau au service des affaires de Mr. Dudoit jusqu'à ce qu'on aille
le rechercher. 30
avril 1838. Travaillé au tombeau de Mr Alexis. La maladie
qui règne est un mal de tête et un mal de ventre. Je n'en suis pas exempt. Maigret
essaie aussi de convertir les insulaires, mais sans succès notable. 2
juillet 1838. la Goëlette…C'est l'Honolulu, Notre Dame-de-la-Paix,
visite du capitaine. A Valparaiso,
les missions ont bon crédit : 31
décembre 1838. Pris possession de la Goëlette. Payé mille Piastres.
On atteint
les Gambier le 15 mars et Mangareva le 27. Les îles Gambier sont terre
connue et, grâce aux missionnaires, manifestement chrétiennes. Les insulaires
qui ne sont pas baptisés s'avèrent être des catéchumènes. 28
mars. Plus de 800 communions à la grande île. Maigret
adopte une routine quasi pastorale et son journal en pâtit. En 1840,
de janvier au 25 mars, ses pages, soigneusement marquées de dates des
mois et jours de la semaine, restent blanches. Tout
s'anime à l'arrivée d'un brig[4] appartenant à Mr.
Dudoit. Son cargo—vins et eaux-de-vie—destiné aux îles Sandwich. 26
mars 1840. La Clémentine..vient d'Oahu [Hawaii] par Tahiti
et Valparaiso. Colomban [Murphy] à bord. Liberté de conscience à Sandwich.
L'événement
date déjà de dix mois. En juillet 1839, le Capitaine de Vaisseau Laplace,
ayant pointé ses canons sur la ville d'Honolulu, eut peine—raconte-t-il—à
restreindre ses 300 fusiliers marins, si désireux qu'ils étaient de s'élancer
à l'assaut et du fort et du port. Le roi Kamehameha III n'eut d'autre
choix que de signer un traité réduisant l'impôt sur les vins à moins de
5% ad valorem et permettant la libre entrée des missionnaires.
Mgr Rouchouze
profite du nouvel état de choses pour transférer son siège épiscopal à
Hawaii. Avec lui partent trois prêtres, dont Maigret. Ils montent à
bord de la Clémentine. 29
mars 1840. annonce de départ. Il s'agit
du Reverend Lowell Smith, pasteur à Kaumakapili. Il essaie de convertir
les Pères et vice versa. Des livres pieux sont échangés. Dans un rapport,
Mgr Rouchouze lui donnera cette accolade : "Ce jeune homme me parut
agir de bonne foi." Par une
coïncidence, un vaisseau de guerre français est en rade. C'est l'occasion
de déployer uniformes et drapeau, et de faire résonner les trompettes. 21
juin. [Dimanche.] Messe militaire. Le Roi y vient. Il vient voir
Mgr avec son état-major. Le Reverend
Hiram Bingham, à Hawaii depuis 1820, avait travaillé dur pour remodeler
les îles en une communauté idéale, bostonienne dans ses mœurs et calviniste
dans sa foi. Symbolique, ce départ, au moment où s'établit un nouvel
état de choses que Bingham ne pouvait ni comprendre ni embrasser. 6
août. Bénédiction de la pierre angulaire de notre Eglise. Maigret
ici, pour la seule fois que je sache, s'exerce au dessin. Il fait un
croquis de la pierre et l'inscription gravée, avec un soin qui suggère
qu'il a collaboré à l'œuvre : STEPHEN A la
fin de l'année 1840, ce bilan : Vicariat
de l'Océanie. Catholiques
: 3 000 Pour
éveiller l'intérêt pour ses missions, Mgr de Nilopolis s'embarque le 3
janvier 1841, pour la France. Quoiqu'il pense revenir bientôt, Hawaii
ne le reverra pas. Lui et les siens seront perdus en mer, nul ne sait
où, quand et comment. Au départ de l'évêque, Maigret prend charge. Il
prouvera être un bâtisseur d'églises et d'écoles. Tolérance
est écrite dans la loi mais les frictions continuent en pratique : 6
janvier 1841. A Koolau loa les Kumus [professeurs] tourmentent
les enfans catholiques. Le Nonanona—La
fourmi—était un pamphlet bi-hebdomadaire publié par le Reverend Richard
Armstrong, qui deviendra Ministre de l'Instruction Publique en 1847.
Zélé, Armstrong renforcera encore un temps la règle stricte de Bingham.
Le Roi,
lui, donnait un exemple d'impartialité : 27
juillet 1842. Examen public. Le Roi, la Kuhina, Kuakini, Poki, Kekuanaoa,
y assistent. Une imposante
audience pour un examen d'élèves dont l'achèvement suprême sera de lire
et d'écrire : Roi, Premier Ministre, deux Gouverneurs d'îles, et le maître
du fort et du port, ce même Kekuanaoa qui, en 1837, voulut embarquer sans
cérémonie aucune les PP. Bachelot et Maigret pour la Chine! Des relations
diplomatiques formelles n'existaient pas encore entre les grandes puissances
et le gouvernement hawaiien. Les canons de vaisseaux de guerre, braqués
de temps à autre sur la capitale, tenaient lieu d'ambassadeurs. Et Maigret,
un admirateur du grand Napoléon, n'avait guère d'objections à une politique
de conquêtes. 5
août 1842. Appris aujourd'hui en revenant de Heeia que la
France avait pris les Marquises. Maigret
est modeste. Il fut plus qu'un simple spectateur. Mallet confronta le
roi avec des demandes impérieuses : les nouvelles écoles doivent être
mises sous la surveillance d'inspecteurs catholiques. Et les mariages
religieux seront considérés valides sans la nécessité d'un document civil.
Le roi répond aux étrangers que son envoyé spécial discutera ces points
à son arrivée à Paris. Mallet et Maigret doivent se contenter de cette
réponse—pour le moment. 8
septembre 1842. Départ de l'Embuscade pour Wallis et Futuna.
Dans
la communauté, Maigret est maintenant un homme d'importance, sur un pied
d'égalité avec les conseillers du roi : 10
septembre 1842. Jean Ii me fait ses excuses. Une amitié
réservée s'esquisse entre Maigret et certains missionaries : 12
septembre 1842. Mr Judd m’écrit pour me demander de nos
livres. La cathédrale
naissante l'occupe surtout : 5
novembre. Les charpentiers commencent les travaux de notre église.
En 1843
Maigret, à son tour, se trouve être la cible de canons étrangers : 10
février 1843. Arrivée de la frégate le Carysford, Capitaine
G. Paulet. Et dans
la ville, la cathédrale de Notre-Dame-de-la-Paix, à peine émergée du sol,
est menacée de destruction! Les ultimatums
succèdent aux ultimatums. Le roi ne sait que faire pour assouvir ce rapace
se carrant dans son bel uniforme bleu et argent. Dans une cérémonie mélancolique,
on abaisse le pavillon national et on hisse le drapeau britannique. 25
février 1843. Lord Paulet, cap. Carysford, prend possession
des îles Sandwich à 3h. Dans
ce moment d'incertitude générale, pour Maigret une réalité constante,
sa cathédrale : 17
avril 1843. Commencé le plancher de notre église. Ayant
excédé ses ordres, Lord Paulet sera corrigé sur-le-champ et sur le lieu
même : 26
juillet 1843. Le Dublin, Amiral Thomas, arrive de Valparaiso.
Le 31
juillet, Restoration Day, va devenir la fête nationale du royaume et tous
les ans, dans son journal, Maigret marquera ce jour de fête. Il a
maintenant une maison de campagne et sa mâla, combinaison jardin,
verger et potager. Quand la presse des affaires le permet, il se réfugie
là : 12
décembre 1845. Semé des melons, des oranges & planté des bananes.
La mort
de Mgr Rouchouze a été confirmée, ou plutôt supposée. Maigret va devenir
évêque. 24
avril 1847. Appris la nomination du Vicaire Apostolique de ces îles.
Depuis
1843 Tahiti était possession française, l'amiral Dupetit-Thouars ayant,
sur un prétexte, déposé la reine Pomaré. L'île est maintenant terre catholique. 24
août 1847. Visité Mr. Lavaud Gouverneur et Mme Lavaud.
La curieuse
notation qui termine cette entrée nautique est un mélange de latin et
de hawaiien. “A mon retour je serai un évêque” pourrait en être le sens.
Maigret, fin polyglotte, a assimilé les nuances de la langue des îles.
C'est bien utile quand, par exemple, il s'agira d'annoter en secret, à
Rome, les comptes rendus du Concile du Vatican. Maigret
arrive à Valparaiso le 18 octobre. 30
octobre 1847. Mgr Itura me revêt de la soutane violette.
Nous
retrouverons l'Amiral de Tromelin en 1849, ses canons braqués sur la ville
d'Honolulu. 7
novembre 1847. Vu Mr Dillon consul des Iles Sandwich.
Guillaume
Patrice Dillon est le beau-fils de M. Guizot, Premier Ministre du Roi
Louis-Philippe. Il va s'embarquer pour les îles sur la Sarcelle,
avec Maigret. En 1846 la France avait reconnu Hawaii comme état souverain.
Dillon inaugure l’ère des relations diplomatiques formelles entre les
deux royaumes. On fait
une première escale à Lima : 17
décembre 1847. Vu dépecer une baleine à bord du Ch. Carrol,
Baleinier Américain. Ces quelques
mots condensent une parade. En tête la musique militaire de la Sarcelle,
tambours et cuivres dominants. Puis le drapeau tricolore déployé. La
pièce de résistance était un portrait de Louis-Philippe d'un style héroïque,
un don gratuit du Roi des Français à son cousin, le Roi de Hawaii. Voilée,
l'œuvre d'art était portée sur les épaules de douze marins escortés par
des fusiliers marins. Le clergé suivait, Mgr Maigret exposant pour la
première fois ses robes violettes au soleil tropical. La parade se terminait,
un peu maigrement, par le groupe de tous les résidents français. Ils
n'étaient guère plus d'une douzaine. A l'arrivée
au Palais, le tableau fut dévoilé devant le roi. Court News décrit
l'émotion du souverain à la vue des traits de son cousin de France, et
comment il serra la main du nouveau consul avec une grande émotion. Dix jours
plus tard, dans la France lointaine, Louis-Philippe, victime d'une révolution,
se réfugiait en Angleterre. Quant au consul Dillon, il garda son poste,
successivement le serviteur de la Seconde République et du Second Empire.
Diplomate
peu diplomate, quand le temps vint d'agir, Dillon eut recours à un deus
ex machina déjà quelque peu démodé : un amiral sur son vaisseau de
guerre. Legoarant de Tromelin sur sa frégate, la Poursuivante,
jeta l'ancre dans la rade d'Honolulu, le 12 août 1849. Deux jours plus
tard la frégate à vapeur, le Gassendi, le rejoignit. 20
août 1849. Reçu une lettre de Mr l'Amiral Legoarant de
Tromelin. Il est
probable que la lettre faisait connaître d'avance à l'évêque le texte
français de l'ultimatum que les marins de la Poursuivante afficheront
une semaine plus tard sur des murs de la ville. Bien entendu sans la
permission du roi. Il semble prouvé que ces feuilles volantes, en anglais
et en hawaiien, furent traduites par Maigret et imprimées sur les presses
de la mission. 25
août 1849. Les français sur les 7h du soir désarment le
Port de Honolulu. Paulet
s'était emparé du pays et avait été puni pour ses peines. Notre amiral
évitera un tel faux-pas. L'affiche est bien claire sur ce point : "Les
forces françaises ont pris possession des installations militaires du
port. Le drapeau hawaiien continue néanmoins d'être déployé et continuera
de l'être, le soussigné n'ayant nulle intention d'occuper ou d'annexer
ce pays. II repartira aussitôt qu'on aura accédé à ses justes demandes.—Legoarant
de Tromelin Contre-Amiral." 28
août 1849. Pourparlers à bord qui, dit-on, n'aboutissent à rien.
Quand
les deux frégates, tournant leurs canons sur la ville, menacèrent de la
bombarder, un navire américain, le Prebble, pointant son seul canon
vers les deux vaisseaux français, s'apprêta à livrer bataille. Pris
de peur, Dillon se réfugia avec sa famille à bord du Gassendi et
l'amiral, sans attendre plus longtemps une réponse à ses demandes, fit
voile le 5 septembre. Au milieu
de ce gros fracas une note pastorale, qui nous rappelle que la Californie,
avec ses mines d'or, est la voisine d’Hawaii : 30
août 1849. 100 Chinois arrivés de Chine se rendent en Californie.
Plusieurs sont chrétiens. Ils ont des chapelets et des médailles miraculeuses.
Dans
un sens, le journal est une tranche d'histoire, mais il est naturel que
les événements historiques et les incidents de la vie journalière s'y
trouvent indissolublement mélangés. Kamehameha III, roi depuis 1825,
meurt le 15 décembre 1854. Et à ce même moment l'évêque consacre une
chapelle sur l'une des îles. 4
décembre 1854. Partis P. Denis et moi pour Kauai. Kamehameha
IV, qui monte sur le trône, est un des fils de Kekuanaoa. Il épouse Emma
Rooke en 1856. 20
mai 1858. 21 coups de canon. Naissance d'un prince royal. Ce drame
dynastique et familial produira un changement profond dans le climat religieux
des îles. Victoria, reine d'Angleterre, avait accepté d'être la marraine
du petit prince. Son envoyé l'évêque anglican Thomas Nettleship Staley,
débarqua en octobre, trop tard pour baptiser l'enfant. Mais ses parents
acceptèrent le baptême, on pourrait dire en son nom. Etant
donné son goût pour la pompe et les rites, le Right Reverend Staley, Bishop[5] de Honolulu, se sentit plus d'affinités
avec l'évêque d'Arathie qu'avec les missionnaires américains. 5
décembre 1862. Visite du Bishop. En fin
d'année, un arbre de Noël décora le Palais et, vers minuit, une procession
en sortit : le roi en tête chantant des cantiques de Noël, suivi par l'évêque
anglican et son clergé, en surplis, étole, aube, chape, tout à la mode
de Rome. Derrière eux vingt porteurs de torches et les courtiers avec
maintes chandelles allumées. Vers
une heure du matin, cette foule fit halte devant l'évêché. On chanta
en hawaiien les louanges de Luis Makale, Louis Maigret. Ce fut
le P. Walsh qui dut sortir dans la rue pour remercier ces hérétiques si
pleins de bonne volonté. 1er
janvier 1863. Visitors. Commandants français et anglais...Bishop
anglais. La procession
anglicane de 1862 constituait un précédent dont Maigret se sentit fort
quand vint le jour de la Fête-Dieu et le Noël suivant : 4
juin 1863. Pontifié. Vers 4h du soir Procession dans
les rues. Beau temps. On se
rend de petits services entre évêques. Dr. Staley a ouvert la voie pour
les démonstrations religieuses publiques. Maigret met ses presses à sa
disposition : 10
mai 1865. On imprime des anglican ordinations.[6] Kamehameha
V succède à Kamehameha IV. Le bulletin de la Cour donne trop souvent
l'impression que le roi passe sa vie en grand uniforme, échangeant des
discours et des poignées de main avec diverses délégations. Le journal
modifie cette image étriquée d'un mannequin royal : 11
avril 1868. Appris les ravages de Kau par le volcan. Eglise renversée,
maisons englouties dans les eaux depuis Kuoluolu jusqu'à Punaluu. Des
morts en grand nombre. Tout le monde frappé de terreur!! Pauvre petit
Père Nicaise!!! L’année
suivante, 1869, l'évêque part en mai pour Rome, où le Concile du Vatican
va s'ouvrir en Décembre : 28
mai 1869. Départ pour San Francisco 4h du soir à bord
de l'Idaho. Capitaine Floyd. Le 19
juin il est à Chicago. Le 21 il arrive à New York. 22
juin. embarqué pour Cherbourg à bord du steamer Hambourgeois la Cimbria.
Par Cherbourg,
on arrive à Paris : 4
juillet 1869. Arrivé vers 6h, me rends à Picpus…vu et
embrassé de vieux et jeunes amis. 5
juillet. Reposé de mes fatigues…Souvenirs anciens. Un des
cahiers du journal est fini. Avec l'année 1870, Maigret en commence un
autre. Les premières pages présentent des exercices savants : les commencements
d'un dictionnaire français-hawaiien qui va de A à Awanei; un essai sur
la langue chinoise. Si ces notations sont du temps des entrées datées
qui les précèdent et qui les suivent, il apparaît que l'évêque, au plein
centre de la Rome papale, n'oublie pas ses ouailles, nichées au beau milieu
du Pacifique! 4
janvier 1870. Soir, dîné chez Mr Veuillot. 5 parties
du monde représentées. Ecrit
en hawaiien, c'est plus discret. "Glorieux, ce ne le fut guère"
est le sens de cette remarque.[7]
18
juillet 1870. Définition de l'infaillibilité. La guerre
franco-allemande de 1870 s'engrène étroitement avec les dernières séances
d'un concile qui n'aura jamais de conclusion légale. Passant
à travers Marseille, Tarascon et Nîmes, Maigret arrive à Paris le 3 août.
5
août 1870. Faux bruit d'une grande victoire. Avant
d'être emprisonné dans la ville assiégée, il faut que Maigret rejoigne
sa mission. De Dieppe à Liverpool, et puis en mer. 1er
septembre 1870. Icebergs. Froid. L'évêque
s'embarque à San Francisco sur le J. C. Murray : 13
octobre 1870. Bonne brise. Molokai en vue. P. Damien,
c'est Damien de Veuster l'apôtre des lépreux. Aujourd'hui son nom résume
l'héroïsme des missionnaires aux îles du Pacifique. Quand Hawaii devint
en 1959 le cinquantième état des Etats-Unis, deux de ses héros furent
choisis pour le `Hall of Fame’ à Washington. Kamehameha I, fondateur
de la dynastie royale fut l'un des deux. Son compagnon de gloire, c'est
Damien. En 1870—et peut être est-ce mieux ainsi—Maigret n'a nul moyen
de connaître le futur. Damien l'a déjà servi depuis six ans, de tout
cœur et surtout de tout son corps robuste, maçon, charpentier, bâtisseur.
Mais le journal contredit les hagiographes qui voudraient qu'entre le
vieil évêque et ce jeune homme une intimité se fut établie dès l'abord.
L'évêque
avait passé quelques jours à la campagne. La veille, il avait mis un
nouveau manche à sa petite faux et soigneusement noté le fait dans son
journal. 19
mars 1864. Retour à Honolulu. C. Judd m'apprend en route l'arrivée
de nos voyageurs que j'ai le bonheur d'embrasser vers 1h P.M.
Vu également les Sœurs qui me paraissent toutes en bonne santé. Les Sœurs,
Dames des Sacrés-Cœurs, vont fonder à Honolulu un pensionnat de jeunes
filles. Les séminaristes, eux, s'apprêtent à recevoir leurs ordres de
l'évêque. 26
mars 1864. Ordonné sous-diacres FF. Lievine et Damien. Les PP.
Clément et Damien reçoivent chacun un district dans l'île d'Hawaii : le
P. Clément : Kohala, volcanique et battu des vents; le P. Damien : Puna,
ka `âina i ka houpo o Kâne, la terre préférée de Kâne, un dieu
d'importance. L'évêque accompagne les nouveaux prêtres à leurs destinations
: 7
juin 1864. Partons, PP. Clément, Damien et moi pour Havaii vers les
5h du soir à bord du Kilauea. En 1866,
l'évêque visite l'île de Hawaii pour consacrer une chapelle nouvellement
bâtie. C'est tout un événement : 19
mai 1866. Charcuterie. PP. Arsène et Charles. L'année
suivante, 1867, l'évêque s'y rend encore. Cette fois il met la main à
la pâte : 28
juin 1867. Partis pour Kavanui, PP. Célestin, Damien et moi. Six ans
plus tard, quand l'évêque, à l'occasion de la consécration d'une chapelle
à Wailuku, Maui, rassembla là ses prêtres, Damien était présent. 3
mai 1873. PP. Damien, Gulstan, FF. Arsène, Charles. De retour
à son évêché, Maigret, à sa grande surprise, est acclamé. Toute la ville
semble avoir entendu sa question, faite à lui-même et en sotto voce,
"Où le trouver?" Un journaliste malin claironne même que le
problème est résolu. Walter M. Gibson, dans le Nuhou du mardi
13 mai, donne la version suivante de ce qui s'est passé à Kalaupapa.
Moins vraie que l'entrée du journal, elle est beaucoup plus impressionnante
: L'en-tête
de l'article est, "Un Héros Chrétien.” "Ce samedi dernier,
quand le Kilauea arriva à Molokai, Monseigneur Maigret et le Père
Damien, prêtre belge, descendirent à terre. Le Révérend-Evêque, ayant
parlé aux lépreux d'une manière consolante, leur présenta le bon Père
qui, volontairement, va vivre avec eux et pour eux. Quelle que soit sa
théologie, assurément cet homme est un héros chrétien." L'évêque
dut être tenté d'offrir en quelque sorte un sacrifice humain à l'opinion
publique plutôt que de perdre le soudain bon vouloir d'une communauté
qui encensait une décision qu'il n'avait jamais prise! 16
mai 1873. Lettre du P. Damien à Kalavao. Damien
s'offrait de rester à vie à son poste, au lieu de deux semaines. Etant
donnée la lenteur du courrier entre la capitale et Kalaupapa, la lettre
de Damien ne pouvait être influencée par l'article publié dans le Nuhou.
Le problème était résolu! En 1875,
l’évêque va visiter Damien et confirmer ses ouailles : 7
juin 1875. Départ pour Molokai. Deux embarcations pour ne pas faire
de jalousies. P. Aubert et le petit Dougherty sur la première. P. Clément
et moi sur la seconde. Beau temps. Belle mer. Partis vers 10h,
arrivons à Kaluaaha vers midi un quart. Dans
le journal, on voit Damien, tout comme les autres prêtres, circuler librement
entre Molokai et Honolulu. Quand il est là, il officie à la cathédrale,
dit la grand-messe le dimanche, prêche. Il semble bien que sa stricte
réclusion à son poste à Kalaupapa date d'après l'épiscopat de Maigret.
Aussitôt
qu'il se fut établi à Honolulu, le Bishop anglican s'imagina que les sujets
du roi allaient suivre docilement l'exemple du souverain. II considérait
négligeable l'influence des missionnaires américains. Dans un sermon,
il les avait renvoyés avec cette phrase gracieuse, "Ils ont notre
gratitude pour avoir déblayé la route.” Mais
les Américains, dans leurs écoles, avaient semé un grain dangereux : l'idée
démocratique. Et cette idée avait été écrite dans la constitution du
Royaume. Quand Kamehameha V meurt en 1873, Lunalilo devient roi, non
par droit de succession dynastique, mais par élection. Quand il meurt
l'année suivante, les candidats à la couronne dépendront du bon vouloir
du peuple, à l'américaine. 3
février 1874. Mort du Roi!! L'évêque
prend part au jeu politique. Kalâkaua pour imprimer ses affiches, pasquins,
feuilles volantes, faisait travailler sans arrêt les presses de la capitale.
Maigret offre les presses de la mission à la reine Emma, veuve de Kamehameha
IV, la rivale de Kalâkaua. 6
février 1874. Autre proclamation de Kalakaua. Le nouveau
roi qui aimait l'alcool et le hulahula, n'était pas en bons termes
avec les missionaries. II fit un effort pour se rapprocher des
catholiques qui, après tout, fument la pipe et boivent. 21
février 1874. On dit que le Roi viendra demain à la Messe. Le prêt
de ses presses à la reine Emma fut le dernier geste politique de Maigret.
Quand
on lit son journal, l’autoportrait qui s'en détache est variable et sa
personnalité change au fil des jours. A son arrivée aux îles, Maigret
est un spectateur seulement, et doué d'un esprit soupçonneux. Pour lui—et
qui pourrait lui en faire grief—les réalités confessionnelles et politiques
pèsent davantage que toute la beauté qui l'entoure. Comme
il arriva aux calvinistes avant lui, Hawaii modèle peu à peu l'évêque
à son image. La nature lui parle. Dans sa mâla, près de la capitale,
il cultive jardin, verger et potager de sa propre main. L'idée affleure
alors dans ses notations que peut-être le lys des champs est vêtu avec
meilleur goût qu'un amiral en grand uniforme! Trouvé
autre cherimo[l]ia par terre. Hala mûrs, d'autres en fleurs (23.I.61).
L'évêque
bâtit églises et chapelles sur les autres îles et y envoie ses jeunes
prêtres, mais il ne les abandonne pas. Dans ses visites épiscopales,
il chevauchera à travers cette autre Hawaii semi-tropical et sauvage,
où vibre encore la mana des anciens dieux. Seuls, des mots indigènes
peuvent décrire ce qu'il voit : Suivons
le chemin dans la montagne, brouillard dans la forêt. Du koa,
des pilo droits comme des i ayant plus de 40 pieds de haut; des
okala, des naio, des mamane, des olapa &c.&c.
(12.VIII.67). Spirituellement,
il prend racine. La langue des îles, si nuancée, sert sa pensée. Quand
il doit montrer les points d'intérêt de l'île à quelque touriste, il s'exprime
comme le ferait un canaque : <<Mauka me ka malihini>> (21.V.72).
“Aux montagnes avec l'étranger”. Et dans ce cas il semble bien que le
visiteur fut un officier de marine français! Le nouveau
point de vue s'appliquera même aux choses d'église : Catéchisme
des enfants e like me ka mea mau (12.VIII.76). “Catéchisme
des enfants toujours la même rengaine" en interprète le sens, mais
sans finesse. L'évêque a 74 ans quand un cri du cœur lui monte aux lèvres
: Ma uka.
Palupalu aole hana (25.III.78). A-t-il
essayé de sarcler son verger au grand soleil? A-t-il souffert d'une longue
chevauchée dans la brousse? Pour suggérer l'image indigène ce n'est pas,
"Trop vieux pour travailler" qu'il faut dire mais plutôt, "Un
fruit blet, à quoi est-ce bon?" Vers
la fin, Maigret ne s'intéresse même plus aux choses politiques. Quand
l'amiral de Lapelin arrive sur la Flore et que le roi monte à bord
en visite officielle, c'est seulement le bruit du canon qu'il annote :
Des
saluts, et des saluts toute la journée (11.IV.72). Ses compagnons
d'antan ont vieilli avec lui : Notre
maison ressemble à une infirmerie (7.VIII.76). Maigret
n'est pas immortel. Chaque anniversaire accentue son sentiment de vieillir
: 14
septembre 1876. Commencé ma 73e année! Hélas! L'écriture
de l'évêque, si fine depuis si longtemps, s'élargit et tremble. Après
septembre 1880 quelques pages, octobre, novembre, décembre, restent blanches.
C'est la fin du journal. En janvier 1878, le Supérieur Général de l'Ordre
avait déjà reçu une lettre du P. Herman Kœckeman, à Hawaii depuis 1854.
II suggérait qu'il était temps de penser à un successeur pour le Vicaire
Apostolique des îles Sandwich… En 1881,
ce même Kœckeman fut consacré évêque à San Francisco. II retourna aux
îles comme coadjuteur. A la mort de Maigret, le 11 juin 1882, Kœckeman
lui succéda. [1] Publié: Août. Corrigé plus tard sur
le manuscrit par Charlot. [2] Original : précédence. [3] Charlot emploie le terme anglais pour
Révérend. [4] Charlot emploie le terme anglais pour
brick. [5] Charlot souhaite garder le terme anglais
employé par Maigret. [6] Editeurs : Charlot se trompe sur ce
point. Le livre dont il parle s’en prenait à la validité des ordres anglicans
: Fletcher,
[sans prénom], The Ordinations of the Church of England, Printed
at the Catholic Mission, Honolulu, 1865. G.
Mason a répondu à Fletcher dans : A
Vindication of the Orders of the Ancient Catholic Church of England, against
the objections of One Dr. Fletcher, Printed at the Hawaiian Gazette
Office, Honolulu, 1865. [7] Editeurs : La phrase en hawaïen peut
aussi se traduire par “Aucune gloire ne manquait”. [8] La date donnée dans le texte, “21.IX.71”,
n’est pas correcte, mais la date exacte n’a pas été retrouvée. [9] La date donnée dans le texte, “29.IV.79”,
n’est pas correcte, mais la date exacte n’a pas été retrouvée.
Première communion et confirmation à St. Michel, Picpus, 2 juin 1816.
Mes vœux dans la chapelle de Picpus, 7 janvier 1822.
Tonsuré et minoré à Seez, le 23 Septembre 1826.
Sous-diacre à Seez, le 24 Septembre 1826.
Diacre à Seez, le 22 Décembre 1827.
Prêtre à Rouen, le 20 Septembre 1828.
Parti pour l'Océanie (au Havre) le 29 octobre[1] 1834.
6 juillet. Ce matin, pendant que nous disions matines sur les
bords de la mer, Mgr et moi, Matua est venu nous dire d'un air de triomphe
qu'un chef avait encore apporté un autre Dieu, appelé rongo, ou
L'arc-en-ciel. Il a engagé Mgr à lui cogner sur le nez et
sur la tête après l'avoir maltraité lui-même devant nous.—Dans ce moment
ci on allume un bûcher pour les brûler tous ensemble : on y mettra même
les restes de celui qui a brûlé toute la nuit devant notre cabane et qui
a servi à faire chauffer les tisanes de Mr Cyprien.
Prenez garde de déchirer mon habit, etc...
19 juin 1836. Jamais je n'ai vu tant d'ardeur pour apprendre à
lire; depuis ce matin, toute l'île enfants, vieillards tous réunis devant
notre tableau.
4 juillet 1836. Sa majesté faisait aujourd'hui le catéchisme à
un groupe de petits enfants.
5 août 1836. Baptisé et confirmé près de 170 personnes à la tête
desquelles Maputeo, roi de Mangareva et sa petite fille âgée de 5 à 6
ans.
En anglais : correspondance entre Pritchard et Mœrenhout.
En français : Mœrenhout au consul de France à Valparaiso.
30 octobre. nous nous trouvons vis-à-vis de Owahii.
1er novembre. vis-à-vis de Maui.
2 novembre. à l'entrée du Port (de Honolulu)…Bachelot et Walsh
sont à terre. Kekuanaoa…vient à bord.
23 novembre. Départ pour l'Ascension.
14 décembre. Enterrement de Mr Bachelot à Naha. retour
à bord.
21 décembre. allé coucher à terre dans la cabane que le Roi vient
de me faire construire…Il m'apporte de quoi manger.
31 décembre. Commencé à étudier la langue du Pays.
1er mai. J'ai passé une très mauvaise nuit. Malgré
mon mal de ventre j'ai travaillé toute la journée. J'ai fait une croix
de 16 pieds de haut; Le roi…m'a aidé à monter une poutre; il tenait d’une
main le poisson qu'il m'apportait et de l'autre il aidait à [sic]
d'autres à soulever la poutre.
2 mai. Mauvaise nuit. Impossible de dormir...
3 mai. Je pensais néanmoins à ma croix que je voulais élever le
jour de l'Invention de la Ste Croix...J'ai élevé ma croix comme
j'ai pu; mais faute de bras elle n'est pas ce que je voudrais qu'elle
fût.
29 juillet 1838. Départ [de l'Ascension].
3 septembre. mangé du Requin.
22 décembre 1838. [Arrivée à Valparaiso.]
27 janvier 1839. [Départ pour Gambier.]
12 février. Petite querelle entre le cuisinier et les hommes d'équipage.
Paroles échangées. Le capitaine veut mettre la paix, il dit au cuisinier
de se taire, et il ne se tait pas. Le capitaine le frappe. Aussitôt
il se jette dans la mer en disant qu'il veut se noyer; on arrête le navire…nous
prions la Ste Vierge de ne pas permettre qu'il se noie. Le
malheureux voit un requin qui s'approche de lui pour le dévorer. Il lui
jette sa chemise et il revient bien vite à bord.
11 mai. aperçu Hawaii.
13 mai. Nous entrons au port d'Honolulu, nous descendons à terre…Jamais
peut-être Te Deum n'a été chanté de meilleur cœur.
17 mai. [Messe Pontificale.] Près de 5 000 âmes, dit-on.
21 mai. On s'occupe du plan d'une église.
29 mai. Alphabets imprimés à 200 exemplaires en langue hawaiienne.
13 juin. Visite du lieutenant (d'un brig français) et d'un missionary.
22 juin. Nous allons voir le Roi…contrat de l'Eglise pour 13 000
piastres signé.
9 juillet. Commencé à creuser les fondemens de notre église future.
3 août. Bingham part pour l'Amérique sur la Flore.
ROUCHOU
+ZE+
Hérétiques : 30 000
Infidèles : 100 000
9 juin. Le Kahukula [inspecteur des écoles] vient me voir
et fini par me dire des injures.
20 juillet. Article contre les Papistes dans le Nonanona.
22 août. Arrivée de l'Embuscade, corvette française, capitaine
Mallet.
27 août. Nous allons rendre notre visite au Commandant et aux
officiers.
28 août. Dîné à bord. Les matelots chantent des Cantiques en
l'honneur de la Ste Vierge.
1er septembre 1842. Le Commandant et son état-major
ont un entretien avec le roi. J'y assiste.
9 novembre. Kekuanaoa m'écrit.
31 décembre. Clocher placé sur notre église. Croix mise le 15
de ce mois.
18 février. Lord G. Paulet allait faire feu sur la ville de Honolulu,
si on n'avait pas accédé à ses demandes.
31 juillet. Le matin, les troupes de l'amiral descendent à Vaikiki.
Foule immense. On rehisse l'ancien pavillon des Sandwich.
23 juin. Arrivée de la Sarcelle.
11 juillet. nous partons.
23 août. Nous arrivons [à Tahiti].
26 août. Lu l'Apologie de Tertullien.
27 août. [Lu] Origène contre Celse.
29 août. Dit la Messe Militaire.
5 septembre. Levé à 4h Messe à 5. Départ à 6.
8 septembre. vents du SE, SSE, SE. Nous marchons. (oihana Epo).
31 octobre. Je reçois la consécration épiscopale dans la cathédrale
de Santiago des mains de Mgr F. Hilarion Itura Episcop. Augustopolitano.
5 novembre. Ecrit à Mr l'Amiral Tromelin qui vient
me voir le soir.
1er février 1848. Nous arrivons à Honolulu. Te Deum.
Foule.
2 février. Messe Pontificale d'actions de grâce.
15 février. Translation du portrait de Louis-Philippe.
29 août. Tous les navires du pays saisis.
5 décembre. A six heures et demie du matin débarquons à Navilivili
de là à Koloa au milieu de la pluie.
9 décembre. Nous travaillons aux avenues de l'Eglise et du presbytère.
12 décembre. Sarclé. Sablé.
14 décembre. Sarclé. Sablé. on amène les bœufs pour la fête.
Le monde commence à se rendre.
15 décembre. On arrive de tous les côtés. autre bœuf.
16 décembre. Toutes les maisons sont pleines. on tue les bœufs
et on les met au four.
Dimanche, 17 décembre. Bénédiction solennelle de l'Eglise. Baptêmes.
Confirmations. Trois messes.
18 décembre. Pluie. Melons. Les gens qui ne sont pas partis
hier, s'en retournent aujourd'hui.
19 décembre. Beau temps. Petit carré d'oignons. Apprenons la
mort du Roi.
27 août 1862. Mort du Prince Hawaiien. Point de catéchisme.
5 juin. Tout le monde parle de notre procession en bien.
23 décembre. Oriflammes, lampes, chandeliers, etc.
24 décembre. Vers 10h du soir par un beau clair de
lune notre cour se remplit. A 11h Baptêmes. A 12h
Grand-messe. Toute la ville y assiste. Plus de 1 000 bougies.
5 mars 1867. Pose de la pierre angulaire de l'Eglise Anglicane.
13 avril. Le Roi, Mr de Varigny, Me de Varigny,
leur fils…à bord du Kilauea.
14 avril. nous marchons sur Hilo. Tout le monde malade, excepté
Sa Majesté et moi.
15 avril. arrivons à Hilo le soir.
17 avril. Le Roi réunit son peuple, distribue des aumônes à ceux
qui ont souffert des derniers désastres.
19 avril. Jetons l'ancre à Keauhou. Distribution d'aumônes aux
malheureux.
20 avril. Des terres soulevées par le volcan, brûlées et encore
fumantes. Nos deux belles églises de Kamaoa et Naohuleluu encore debout
mais hors de service.
21 avril. Laves qui se jettent dans la mer à Kahuku, nouveau monticule
formé par le volcan. Beau temps, belle mer.
10 juin. Arrivons à San Francisco vers les 7h du soir.
Couché à l'archevêché.
12 juin. Parti à 7h du matin avec Mr Diaz
par bateau à vapeur. A Vallejo par chemin de fer. Arrivons à Sacramento
vers 11h et demie.
15 juin. Nous allons comme le vent. Des habitations de distance
en distance, montagnes, vallées, forêts, désert, etc...
16 juin. Plaines couvertes d'absinthes et d'autres mauvaises herbes.
18 juin. Passé le Missouri à Omaha, ville boueuse.
2 juillet. entouré de navires, entré à Plymouth.
15 novembre. A Marseille Hôtel de l'Univers, embarqué vers le
soir. 23 évêques à bord : le cardinal de Valladolid, l'archevêque de
Buenos-Aires, &c.&c.
28 novembre. Chapelle Papale à St Pierre. vu et entendu
le Souverain Pontife. Discours latin par le Rector...
7 décembre. Toutes les cloches en branle. pluie.
8 décembre. Ouverture du Concile. Spectacle magnifique. Eglise
de St Pierre pleine à étouffer malgré la pluie.
5 février. Acheté Bollandistes, 54 volumes…payables en décembre
prochain.
19 février. Fête du Carnaval que je ne vais pas voir.
7 mars. Quarante heures à Ste Anastasie près de St
George. La grande question sera traitée.
17 avril. La plus belle fête de ma vie. Messe Papale. Bénédiction
urbi et orbi. Temps superbe.
18 avril. Feu d'artifice représentant la Jérusalem Céleste au
Pincio.
24 avril. Congrès publique. Placet unanime. Le Pape préside.
Aole hanohano a koe.
7 août. Bruit d'une grande défaite.
8 août. Etat de siège.
9 août. Inquiétude générale.
15 août. On se bat à Metz.
18 août. Préparatifs de défense de Paris.
3 septembre. Bas Canada. Fleuve St. Laurent. Appris défaite
de McMahon, &c.
14 octobre. Arrivons. Nos chrétiens au rivage. Messe. Te Deum.
23 octobre. Grand-messe. Instruction. P. Damien catéchiste.
21 mai. Ordonné diacres et prêtres les PP. Lievine, Clément et
Damien.
8 juin. Vers les 7 h arrivons à Lahaina…Damien dit
la messe. Vers les 9h repartons. Touchons à Molocai. En
route pour Kalepolepo. Feu au navire. Retournons à Lahaina.
22 mai. Troupeau de chèvres faisant un chemin!
26 mai. P. Damien arrive par Kona avec Pololi, Joane, &c.
27 mai. Bénédiction de l'Eglise. beaucoup de monde. impossible
de se mettre à genoux. deux personnes s'évanouissent. on les sort comme
on peut, et une fois dehors elles se sentent mieux.
2 juin. P. Damien à Honuapo avec P. Charles. Fabriqué du tabac.
13 juin. Partis pour Hilo. Vu la terre de Holauloa-ulu-Hola.
Ananas, orangers, citronniers, fontaine, ohia ai, kukui,
etc... Hymne des Papes en traversant la forêt. Arrivons vers le soir
en bonne santé à Pi'ihonua où nous trouvons le P. Damien.
17 juin. Naufragés arrivés hier à Laupahoehoe. Le Capt. Mitchell
et deux passagers naufragés. Arrivons à Keehia. Presbytère où nous couchons.
P. Damien arrive la nuit.
6 juillet. Deux enfants vont faire boire nos montures à 2 lieues
d'ici.
15 juillet. on part le soir pour Moaula où nous faisons à la hâte
un privy.
19 juillet. Trouvé d'excellentes pierres angulaires au heiau de
Punaluu.
22 juillet. porté des pierres angulaires et autres autour de l’emplacement
de l'église future. Ardeur admirable.
26 juillet. Dîné à Panaeva sous un arbre. Arrivons vers 5h
et demie du soir. PP. Charles et Damien en bonne santé.
27 juillet. P. Damien baptise un Chinois mourant.
5 août. PP. Charles, Damien et moi partons pour Puoha…où nous
arrivons par un beau temps au coucher du soleil.
13 août. Nos mulets refusent de passer le kahavai [gué] de Vaiaka.
Les femmes du voisinage viennent à notre secours. Elles nous jettent
une longue corde qu'on attache au nez du mulet du P. Damien. Les femmes
tirent sur cette corde dont elles tiennent une extrémité. Le mulet bon
gré mal gré entre dans l'eau. Les nôtres le suivent et nous voilà sauvés.
21 août. Temps superbe. Bénédiction solennelle de l'église du
Sacré-Cœur de Jésus (30 X 18)…Foule. repas magnifique sous des tentes.
Haleakala de Maui à droite, les trois grandes montagnes de Havaii à gauche—la
mer en face!!!
23 août. je quitte PP. Charles et Damien et m'embarque à bord
de la Marilda.
9 mai. Allons tous à Lahaina à cheval. Dîner indigène à Ukumehame.
Irish supper à Lele.
10 mai. Après nos messes montons à bord du Kilauea, arrivons
vers les 11h à Kalaupapa, visitons la léproserie de Kalavao,
entrons dans l'humble chapelle construite dernièrement par notre F. Bertrand.
Nos pauvres néophytes s'y rendent en assez grand nombre. Je leur adresse
quelques paroles. Ils paraissent heureux de nous voir. Le P. Damien
va rester une quinzaine de jours au milieu d'eux. Une pétition portant
plus de 200 signatures nous a été adressée. Ils me demandent un prêtre
qui puisse rester habituellement avec eux; mais où le trouver? Nous retournons
à bord vers les 5h du soir et partons pour Honolulu.
8 juin. Partis P. Aubert et moi à Pukoo vers 10h sur
une baleinière avec trois kanakes et Limaki, le capitaine…Arrivons à Kalavao
vers 5h et demie. Bila (Ragsdale), P. Damien, nos lépreux,
&c. Beau temps.
10 juin. Confirmations 60. Grand-messe. P.M. 25 confirmés à
Kalaupapa. P. Aubert prêche plus d'une heure. Retour à Kalavao. Après
souper sérénade au clair de la lune donnée par nos jeunes lépreux. 20
musiciens. 4 grandes caisses. Tous les vieux aussi présents et assis
sur l'herbe de l'enclos.
11 juin. Messe. Confirmations. Après déjeuner départ. Nos lépreux
nous font la conduite jusqu'à Vaikolea avec musique, &c. Adieux.
PP. Aubert, Damien et moi remontons sur notre petite barque. Vent debout.
Mer houleuse. Le soir approche. Cherchons un refuge pour la nuit. Débarquons
à Akaeno [?].
15 juin. P. Clément et moi sur le Warwick qui devait aller
directement à Avalua, Maui [?], pour prendre un chargement de brebis.
Logeons dans la maison d'un kanake avec les autres passagers qui nous
cèdent la meilleure place. Puces et mouches par milliards.
5 février. Proclamation du chef Kalakaua. Proclamation de la
Reine Emma. Corrigé épreuves.
9 février. Réunion chez la Reine Emma. Autres manifestes.
12 février. Kalakaua élu. Trouble. Salle envahie, fenêtres brisées,
meubles jetés dehors. Coups de poings, coups de bâtons, blessures. Troupes
des trois navires de guerre en station dans le port descendent à terre
et l'ordre se rétablit.
22 février. Courte allocution. Grand-messe. Le Roi, le Consul,
&c. Après la messe le Roi vient nous voir, puis il va chez les Sœurs,
&c. P. Damien, catéchisme et salutation.
23 février. PP. Modeste, Herman, Damien et moi rendons visite
à sa Majesté. P. Damien repart à 10h du soir.
Tourterelle qui s'échappe et revient d'elle-même (31.VIII.65).
Grappe de chasselas mûre dans ma treille (9.XI.65).
Mauka. Caféiers en fleurs. Pêches bientôt mûres.[8]
Père Lebret perd sa dernière dent (30.XI.77).
Père Denis entre dans sa 76e année.[9]
Père Denis dit sa messe avec beaucoup de peine (2.VIII.79).
Père Denis rend son âme à Dieu (16.VIII.79).
14 septembre 1877. Commencé ma 74e année! Heu mihi!!
29 avril 1879. Evanouissement à la messe.