Comme une mamelle gonflée, comme un ventre lourd d'espoir (etClaire d'écume trifourchue, l'étrave hors la matière dense, torve, fuyante,toujours semblable), l'étoffe plastique court, coudée aux ruées arc-boutantesd'orage.
Debout je barre, dos au sillage—A droite glisse la coquehors, à gauche lèche la mer. Ainsi Droit vers les îles non-sonnantes,qu'emmitoufle d'or le sillage embué du char céleste.
Qu'ai-je besoin de rames. Bon pour les ouvriers suants,courbés, les pauvres attelés à ce morceau de bois. Debout, je barre je hume levent qui grince et hulle et lèche rauque ma face de Maître
Oh l'enivrement, le soûlement de ma superbe repue !
Qu'est-ce. ! … Les cordes alternativement roides et floches—A gauche ne lèche plus lamer
La coque bourgeoise mouille à droite sa ligne.
Qu'est-ce ? L'étoffe aplatie se ride et tombent, lamentables ses bajoues
Ah Dieu ! Cen'était pas moi, le barreur qui faisait bondir la barque sur l'immense
ni ce vil cordeau, le mien ni l'étoffe pendante, le mouchoirsale, le haillon morne, le mien
Ce n’était pas moi, le barreur, mais
l'air, l'air venteux, libre, que nul n'a jamais saisi, niemprisonné, ni asservi et que je croyais moi, naïf, chétif, esclavager souscette loque comme d'un filet le papillon !
Comme une mamelle gonflée, un ventre lourd d'espoir,
(et claire d'écume trifourchue,
l'étrave hors la matière dense, torve,
fuyante, toujours semblable)
L'étoffe plastique court, coudée aux
Ruées arc-boutantes d'orage.
Debout je barre, dos au sillage.
A droite glisse la coque hors
A gauche lèche la mer.
Ainsi droit vers les Iles non-sonnantes
qu'emmitoufle d'or
le sillage embué du char céleste.
Qu'ai-je besoin de rames ! Bon
pour les ouvriers suants, courbés, les
pauvres attelés à ce morceau de bois.
Debout, je barre,
je hume le vent qui grince, et hulle, et lèche rauque ma facede Maître.
Oh ! L'enivrement,le soûlement de ma superbe repue.
Qu'est-ce ? .. Les cordes alternativement roides et floches
A gauche ne lèche plus la mer. La coque
bourgeoise mouille à droite sa ligne.
Qu'est-ce ? L'étoffe aplatie se ride
et tombent, lamentables, ses bajoues.
Ah ! Dieu, cen'était pas moi, le barreur,
qui faisait bondir la barque sur l'immense, ni ce vil cordeau,le mien,
ni l'étoffe pendante, le haillon morne, le mien
Ce n'était pas moi, le barreur, mais l'air
l'air venteux, libre, que nul n'a jamais
saisi, ni emprisonné, ni asservi et que je croyais, moi, naïf,
chétif, esclavager sous cette loque,
comme d'un filet
le papillon !
Et je suis aussi attelé au joug, avec les autres, dans lamasse—Et nous tournons lentement sur place comme les esclaves des meules
Et gicle la sueur qui dans l'ahan du travail poisse.
Le grain se moud. Le grain se moud.
Et quand nos nerfs sont par trop tirés, le repos, et, chaquejour, tous ensemble, irrévocablement, le pain de force qui, entré, ne sort pas: La Nourriture qui nous assimile et sépare de nous l'excrément
Et les riches et les libres et les sages[4]du dehors regardent. Par la porteils rient dans leur soleil :
“La glaise[5]remue sous vos pieds pesants comme une mer solide. Vous faites des kilomètres .. . sur place, tout tendus vers un but qui n'est point—(qui de nous levoit?)[6] Les cordes de votre cou tirés[7]comme des câbles. Vos nerfsgonflent. Vos yeux saillent, fixéssur rien. Mais vous allez mourird'apoplexie.
Le grain se moud. Le grain se moud.
Tandis que nous en cent mètres nous prenons ceci. Encore cent mètres cela et toujoursainsi. Vous des kilomètres et lesmains vides.
Selon le désir du jour et de l'heure nous prenons ceci, et lereniflons, et des yeux, et tous disent 'Il possède’. Alors nous sommes heureux.
Et vous dans les oreilles la cire. Des orbites vides, lespoings liés à l'arbre grinçant.[8] Vous n'avez donc nul désir !”
Le grain se moud, il tombe.
Et dans leur soleil, le rictus de leurs bajoues rouges commedes outres luisantes et saute et glougloute leur menton triple dont les fanonspendent comme des goitres
Et leur ventre pète, tendu comme un tambour.
Il tombe toujours le grain.
Et pourquoi répondre. Pourquoi vider du bruit dans leur vide. Ils pouffent parce qu'ils voient une pierre qui tourne surune autre et ils n'en connaissent pas l'usage, comme l'enfant qui s'amuse aux[9]majuscules grotesques d'une Apocalypse qu'il ne peut lire
Le grain tombe il germe.
Septembre 1916
Et je suis aussi attelé au joug, avec
les autres, dans la masse. Et nous
tournons lentement sur place
comme les esclaves des meules.
Et gicle la sueur qui dans l'ahan du
travail poisse.
Le grain se moud.
Et quand nos nerfs sont par trop tirés,
le repos, et, chaque jour, tous ensemble,
irrévocablement, le pain de force qui,
entré, ne sort pas,
La nourriture qui nous assimile et sépare
de nous l'excrément.
Et les riches et les libres et les sages,
du dehors regardent.
Par la porte ils rient dans leur soleil :
“La glaise bouge sous vos pieds pesants
comme une mer solide. Vous faites des
kilomètres sur place, tout tendus vers
un but
qui n'est point (car qui de nous l’a vu)
Les cordes de votre cou tordent comme des
câbles. Vos nerfsgonflent. Vos yeux
saillent, fixés sur rien
mais vous allez mourir d'apoplexie.
Le grain se moud.
Tandis que nous en cent mètres nous
prenons ceci. Encore cent mètres, cela
et toujours ainsi.
Vous de kilomètres et les mains vides.
Selon le désir du jour et de l'heure,
nous prenons ceci, et le reniflons, et
des yeux, et tous disent “Il possède.”
Alors nous sommes heureux.
Et vous, dans les oreilles la cire. Des
orbites vides, les poings liés à l'arbre mobile.
Vous n'avez donc nul désir ?
Le grain tombe.
Et dans leur soleil, le rictus de leurs
bajoues rouges, outres bondées, et
saute et glougloute leur menton triple
dont les fanons pendent comme des goitres
Et leur ventre pète, tendu comme un
tambour.
Le grain tombe.
Et pourquoi répondre.
Pourquoi vider du bruit dans leur vide
Ils pouffent
parce qu'ils voient une pierre qui
tourne sur une autre
et ils n'en connaissent pas l'usage
comme l'enfant qui s'amuse
aux majuscules grotesques d'une
Apocalypse
qu'il ne peut déchiffrer.
De la farine on fait le pain.
La mort acceptée
L’agonie solitaire
Prière pour qu'elle soit fructueuse
Consolation
L'enfant va partir.
Il a astiqué ses boutons pour que sa famille le trouve beau.
Eux de rire comme d'une poupée neuve.
L'enfant a le cœur gros qui voudrait pleurer—mais où ?
Voici la maison des sacrifices où il y a quantité de sacrificesaccumulés.
Ô la manche sans galons et le col qui strangule.
Eux qui vivent pour soi est-ce qu'ils croient que c'estagréable de mourir pour d'autres.
Voici entre eux et moi tous liens rompus. Eux bien assis sur lamargelle et je sonde l'horreur du puit.
Eux de vivre et moi je vais rejoindre ces faces sansnez—ces yeux pourris.
Ma vie s'ordonne autour de ma mort.
Voici nos corps encore proches mais nos esprits comme deuxboîtes étanches et closes.
Ô cette envie affreuse de saisir et de manier cette chairfamiliale tant douce
et encore d'observer cette discipline d'amour tant connue.
Voici dix-neuf ans passés que je vivais ainsi et la fin de celaest proche
et avec frénésie je voudrais profiter encore.
Mais pourquoi troubler l'ordre.
Et cette mort qui m'obsède à qui en parlerais-je.
Ils semblent ignorer et me regardent sans hâte.
Voici que je serais solitaire dans mon agonie et le poids de macendre il faut le porter seul.
Et mon cœur est si pauvre et nu.
Il est vide comme une coquille gobée.
Sa paroi fine tinte au choc.
Voyez ma faiblesse seigneur et venez remplir mon néant,
mais il est si plein de boue et je reste seul.
Seigneur donnez-moi la force de mourir seul.
Car il y aura encore des bals et des fêtes et des soupers
(et moi de rire lunairement avec ses 2 trous saigneux !)
Seigneur qui m'avez enseigné la Vérité faites que mon agoniesoit fructueuse
que je collige et baptise en elle tant de morts ignorantes.
Qu'elles s'ordonnent sur moi comme le typo ses lettres surl'axe.
Que ces muets par ma bouche crient.
. . . .
Ma vie d'un coup sacrifiée en violence.
Mais que c'est long et que c'est lent, à petits pas, à petitfeu, dans la boue où j'ahane
et suivant votre parole qu'en le pauvre vit le Christ, mercid'avoir affaire à des hommes comme moi,
de pauvres hommes portant leur peine sur 2 épaules geignantes.
(1917)
Aujourd'hui que me voici pauvre,en contact avec la vraie matière, que je connais le froid, l'éreintementphysique, le corps affaissé dans le chaume, bien des choses qui m’étaientcachées me sont nettes.
Il y a plus clair que l'or, quiest la matité blanche de la paille, la paille de seigle où Il a voulu naître.
II y a plus doux que l'étoffe, quiest la robe vivante du cheval, aux arces.
Meilleur que la parole agile, quiest le silence de celui qui aide et plus d'amour au don d'un verre de vin qu'aucreux des assurances désinvoltes.
Que font aux pauvres ces toileshuilées au cadre lourd.
Le Paros mat, taillé en chair, n'achez eux aucune correspondance. Nous n'œuvrons point pour ceux-ci mais pour dixégoïstes...
Et où trouver le joint ?
Ils se plaisent à l'homme tel quelet ces choses journalières :
L'outil, le vêtement, et le chienqui gambade. Le matériau de luxe les effare.
Mais cette bonne couleur à lacolle, le bois encré, on sait de quoi c'est fait,
Et ce papier bis bien œuvré, c'estcomme du fromage au couteau.
Il engluera la feuille rouge etbleue aux plâtras du mur, la plus petite dans sa veste.
Et le grand Saint Patron béniratoute tâche :
Éloi la forge, Vincent la vigne,Maurice les militaires, Christophe aux bateliers et Tobie aux morts.
Il fleurira grassement ce Paradisen papier, simple comme le bouton d'or simple et la bourrache bleue.
Jean Charlot
Camp de Retortat
Aujourd'hui que me voici pauvre,en contact avec la vraie matière, que je connais le froid [et] l'éreintementphysique, le corps affaissé sur la paille—[Aux Après un an de travailcorporel, la paume calleuse et des crevasses aux doigts,] bien des choses quim'étaient cachées me sont [devenues claires] nettes.
[Et d'abord qu'il est des hommespauvres, ils dorment où ils sont, mangent ce qu'ils rencontrent, pensent peu.Leur langue est rude mais leur simplicité est proche de Dieu. Ils ont vu biendes choses, mais toutes réelles—et l'objet factice les étonne. tout artfactice.]
Il y a plus clair que l'or, quiest la matité blanche de la paille—la paille de seigle où Il a voulunaître.
Il y a plus doux que l'étoffe, quiest la robe vivante du cheval, aux arces
meilleur que la parole agile, quiest le silence de celui qui aide.
et plus d'amour au don d'un verrede vin qu'au creux des assurances désinvoltes.
[Tel mot grossier tinte plus clairsous l'ongle que le chant menteur des lyres heptacordes.]
Que fait [à ceux] aux pauvres cestoiles vernissées au cadre lourd
Le Paros mat taillé en chair n'achez eux aucune correspondance.
Nous n'œuvrons point pour ceux-cimais pour dix égoïstes
Et où trouver le joint ?
Ils se plaisent à l'homme tel quelet ces choses journalières : L'outil—le vêtement et ce chien qui gambade
Le matériau de luxe leseffare—
mais cette bonne couleur à lacolle, la planche encrée, on sait de quoi c'est fait.
Et [sur] ce papier bis, [une bonneimage] bien œuvré, c'est comme du fromage au couteau.
Il engluera la feuille rouge etbleue aux plâtras du mur
et la plus petite dans sa veste
Et [[en] sur l'image] le grandsaint patron bénira toute tâche,
[St] Eloi la forge, [St] Vincentla vigne, [St] Maurice les militaires [et] Christophe aux bateliers et Tobieaux morts
Il fleurira grassement, ce Paradisen papier [simple] comme le bouton d'or simple et la véronique mauve.
Pour tous les bougre’ qui ont clam’cé, pour tous les potes
Qu'avaient tant mar' malgré qui z'ay' l'air d'êt mariolles,
Pour tous ceuss' amochés, sans pus[15]d'naz, ou patt' folles,
Qu'y sont si moch’ qu'y a pus personn' qui les bott'.
Pour tous ceuss' qu'ont bouffé les Gaz (hou[16]qu'ça cocotte)
Pour tous ceuss' qu'ont saigné tout' eun nuit dans leursgrolles,
Pour ceuss' qu'ont frotté leurs bourrins remplis d'vérole,
Quant y pleuv' des zinzins et qu'la trouill' les bagote.
Pour ceuss' qu'ont bricolé aux heur' où qu'c'est qu'on pionce !
Pour ceuss' qu'ont fait barrage, attendant la réponse !
Ceuss' qu'a du cran comm' ceuss' qui chiaient dans leurs frocs!
Lourds de houzeaux, de fouets, de masques et de crasse,
Charétiers,[17]notair', curé, bouzeux, porte-binoq !
Chialeurs, beuveurs, bosseurs qui z'ont tous crevé ! Grâce !
Décembre 18
Voici ma chair jeune qui rit dans la moisson
Et mon corps jeune qui vibre dans les moussons.
Voici mon âme peu éduquée, mais pure—
Mes dents saines, mes doigts habiles à l'épure.
Ce corps que votre Grâce borne et qui dessert
Un esprit peu fertile en gestes peu diserts.
Mon corps est pauvre, mon âme est pauvre, et le havre
S'ouvre loin pour l'esquif sans voile qu'un Vent navre.
C'est vrai que mon Moi est d'un timide appareil
Pourtant je suis content de mon sort et pareil
jour qui rit dans le soleil me donne—
grand-plaisir. Surtout c'est l'Assomption qu'on sonne
Cette blonde, que vêt un habit “délirant”
est gentille. J'ai plaisir à la voir et rend
hommage à Dieu pour son âme saine et discrète
Elle semble souffrir quelque peine secrète
Elle n'est pas mariée et elle a vingt-trois ans—
Son fiancé s'était ce feld-webel, toisant
de haut—Nous l'avons tué devant Verdun, ce crois-je.
Son œil clair s'égaye à ma vue et m'encourage
Quand je lui parle un peu plus longuement. Ce soir
dernier où j'ai laissé mes ongles dans sa paume
En regardant tomber la nuit j'avais l’arôme
de ses cheveux et l'humide de ces cils blonds
sur moi mais je n'ai pas dit de mots. Ce salon
bête avec ces velours cramoisis et ces glaces
Et ce palmier dans son cache-pot bleu, fit place
à la nuit et ses doigts s'énervaient à mes doigts
Elle épiait, semi-troublée, mais je dois
dire qu'elle attendit en vain que je prélude.
Étant d'esprit peu romantique et de chair prude
Alors voyant que rien n'échéait, elle alla
À la fenêtre et je voyais dans ses yeux la
tristesse de l'enfant privé de confitures
Ou du chien quand la main qui flatte devient dure
[19]Et j'auraibien voulu l'étreindre et la baiser
aux joues et sur son cœur pâle, pour l'apaiser,
Coller mon front tranquille et mes mains coutumières
[20]Et c'estpourquoi j'ai dit : Allumons la lumière.
Seigneur voici venu le temps des sécheresses
Mon âme est agitée, et creuse et je ne presse
en mes bras que le vide et je n'aspire en l'air
que l'odeur âcre des cuirs, du sang et du fet.[22]
Pourtant je voudrais bien me retremper en douces
chairs—jouir d'un regard ami et sous les rousses
frondaisons promener un cœur quiet et pieux
Mais je sens la morsure des dents, et l'épieux
Me pousse aux reins et je traverse sans haleine
et l'œil clos ce désert aride, vaux et plaine.
Je ne vois pas une lumière, pas un toit
qui fume, mais partout l'hostilité, les doigts
crispés les ongles aiguisés et prêts aux rixes
Au lieu d'un regard amical mi-clos, l'œil fixe
suppute le gain que fournira mon travail
Plus loin des femmes coquettes sous l'éventail
Jacassent, oubliant, crânes creux d'hirondelles
Que le Maître des Cieux s'est crucifié pour elles.
Et moi je vais avec ce signe sur mon front
Maître ce que vos doigts feront et déferont
Je l'ignore mais je veux soumis et sans phrase
Obéir à vos mots sans attendre l'extase.
Quand vous avez parlé, quelle annotation
dirait plus et pourquoi regimber sous l'action
du mors puisque le genou dur et le poing ferme
le cavalier saura mener sa bête à terme—
Sachons donc nous plier et vivre sous le bât
Il est plus glorieux de vivre haut que bas,
Mais pour l'homme et pour la terre, l'eau des citernes
vaut le nuage. Il vaut mieux être utile et terne
Que splendide et traînant du vide sous des plis
Malgré l'or le cadavre du Roi se remplit
de vers, mais Dieu bénit ses serviteurs intègres
Je pense à ces chevaux et à ces mulets, maigres
et le sang aux genoux, qu'exaspéraient les taons
Et je superposais leur image à ses paons
Magnifiques drapant leur bleu sur des balustres.
Pour l'homme aussi, j'ai su des robes et des lustres
Au temps où je priais sous le masque et le feu.
Ce que nous défendions, calleux, crasseux, morveux
C'était ceux-ci riant de nous entre deux glaces.
Mais attention, Messieurs, la Bête lasse
Va s'éveiller et gare au coup de pied final
Mais à quoi bon cette révolte—le fanal
unique, c'est Jésus qu'écartèle la Rome
splendide[23]––Laissons-nouspénétrer par l'arome
du martyr et rions des pinces à nos chairs.
Qui vaincre. Sinon nous. Le conquérant vrai sert
Dieu. Celui que vêt la pourpre, qu'enguirlande
un peuple est-il pour lui plus qu'un pasteur des landes
Restons donc où Dieu nous a mis, sans plus chercher
À dérober au joug notre front, à mâcher
un mors que tient la paume invincible du juge.
[24]l'arc-en-cielbrille hors les trombes du déluge.
Au fil des rimes
9—19
Huy, plus d'Héliades, mais
de Muses le pré se ceint;
La plus docte y voue, or saint,
jailli, pleureur d'ambre, un mai.
Touche, Astre plumeux d'armet
l'eau sans neigeux vol. du sein
foudroyé fils d'hauts desseins
ton chant, nouveau phénix, naît.
blanc d'empennes, vert d'habit
tel, Phaëton fier tu crées.
Ceux qu'ard Apollon; blandits
d'écume ceux lointains; cure
leurs maux d'un mètre sucré,
du Zeus d'Espagne, ô Mercure !
A la fable de Phaëton, quecomposa le comte de Villamediana.
A la fábula de Faetón, quecompuso el conde de Villamediana.
En vez de las Helíadas, agora
Coronan las Piérides elprado,
Y tronco la más cultalevantado,
Suda electro en los númerosque llora.
Plumas vestido, ya las aguasmora
Apolo, en vez del pájaronevado,
Que a la fatal del jovenfulminado
Alta ruina, voz debe canora.
¿Quién,pues, verdes cortezas, blanca pluma
Les dió, quién de Faetón elardimiento?
A cuantos dora el sol, acuantos baña
Términosdel Océano la espuma,
Dulce fías tu métricoinstrumento,
Oh Mercurio, del Júpiter deEspaña.
Au jeu de mêler corps, âmes,
débrouille bien l'échevau.
Anges, cygnes, à la dame,
au monsieur, gorets, chevaux.
Or mon cas inénarrable
fit fi de ce point, pour sot
ajouter à l'ange un râble
et des ailes aux pourceaux.
Désintégrons ce Sciva.
Tes bras, tes jambes, Eva,
rajuste-les à ton torse.
Trop tard. Nos cerveaux idem
nous sœur-siamoisent par force
sur l'incongru d'un tandem.
De la connaître, j'ai peur
de désirer comme un hâvre
la naturelle impudeur
des enfants et des cadavres.
Seule une odeur de tabac
m'en reste aux doigts, qui fut sienne,
et d'excuser les ébats
des veaux, vaches, chiens et chiennes.
Montreur, vos roquets savants
jouant des instruments à vent
font le beau. Tous s'en épatent.
Mais ces bêtes dévoyées
préféreraient aboyer
à quatre pattes.
La moitié de moi s'éloigne.
Qu'entêtée notre entité
calque l'évêque étêté
dont les tronçons se rejoignent.
Au travers des ku-klux pâles
nous sûmes nous unir plus
qu'au sein concave un fœtus
et que la femelle au mâle.
Ame à âme, corps à corps,
nous nous goûtâmes d'accord.
Méli-Mélo, mélodrame.
La scorpionne et le scorpion
s'étant pincés jusqu'à l'âme,
tu crus faire dame, pion.
De quel sort, don d'un Nessus,
toujours présent, quoique allée,
peau, blet sachet d'azalée,
m'affublâtes-vous en sus.
Que votre viande au boucher
et vous aux pieds seriez douces…
Manteau-phénix, tu repousses
d'hors la cendre du brasier.
Je ne saurais passer outre
à l'absence de cette outre,
saôul d'avoir bu son vin neuf.
Deux en un, mi-doux, mi rêche.
Rajuste au noyau veuf
son derme et ton duvet, pêche.
Graffiti pour sa porte :
“Rapace aux blonds genoux
restons chacun chez nous.
Cette chandelle est morte.»
J'ai été l'indolent témoin de mon enfance ;
Le public trop rusé
de mes lauriers guerriers et des tours dont, en France,
m'a Eros abusé.
ô Vie, je ne suis avide de vos trances
ni de les refuser.
Je me verrai vieillir avec indifférence
et mourir amusé ;
car n’étant point, terriens, d’entre ceux qui vous plurent[28]
Sans prétendre ici-bas mon habitat conclure
J'en gâchais les ciments
ayant,sûr des splendeurs nocturnes,[29]laissé cette
mienneâme, tout ce jour, sous un loup d’ossements
rireà pleine fossettes.[30]
J'ai été l'indolent témoin de mon enfance,
L'amateur trop rusé
De mes lauriers guerriers et des tours dont en France
M'a Éros abusé.
Ô vie, je ne suis avide de vos trances
Ni de les refuser.
Je me verrais vieillir avec indifférence
Et mourir amusé.
C'est que n'étant de ceux qui trop t'aime, pelure,
Sans prétendre ici-bas mon habitat conclure,
J'en gâchais les ciments,
Ayant, sûr des splendeurs nocturnes laissé cette
Mienne âme, tout ce jour, sous un loup d'ossements
Rire à pleines fossettes.
[ 1 ] Carnet LaGrâce. Daté de septembre 1916.
[ 2 ] Mele, Numéro 4, août 1966, page 5 (sans numéro). Ecrit en septembre 1916.
[ 3 ] Carnet La Grâce. Daté de septembre 1916.
[ 4 ] Remplace : heureu [sic].
[ 5 ] Remplace : terr [sic].
[ 6 ] Alternative de l’original : (car nous ne le voyons pas).
[ 7 ] Remplace : saillent.
[ 8 ] Alternative de l’original : mobile.
[ 9 ] Remplace : rit des.
[10] Mele, Numéro 6, mai 1967, pages 5–6 (sans numéro).
[11] Charlot a écrit ce poème en 1917, juste avant son départ au front. Paru dans Mele, volume XIII, numéro 40, février 1978, pages III–IV, traduction d’Ernest Jackson, Jr.
[12] Celle-ci est la version finale du poème paru dans La Gilde, probablement dans le numéro du 25 février 1918. Une autreversion, à peine retouchée, a été publiée dans Mele, volume VIII, numéro 23, mars 1973, page 5 (sans numéro). Les quelques changements faits dans Mele n’ont pas éténotés ici.
[13] La version originale de ce poème se trouve dans le Notebook 1918, un cahier qui semble ne contenir que des poèmes de l’année 1918. Charlot a dit à John Charlot, le 6 octobre 1971, que lorsqu’il écrivait ce poème, il dormait dans les écuries, sur de la paille, et que “ce n’était pas drôle”. Tout ce qui a été rayé dans le manuscrit a été mis ici entre crochets.
[14] L’original se trouve dans le Red Line Notebook. Paru pour la première fois dans Mele,volume 7, sans numéro, avec l’explication suivante : “En argot du poilu”. Nous suivons ici l’original, tout en notant le seul changement fait par Charlot dans Mele. Sur la courverture, il a écrit : “Publié 50 ans après avoir été écrit. Un record !”
Les termes suivants peuvent être trouvés dans les dictionnaires spécialisés :
Esnault, Gaston, 1971 (réimpression de l’édition de 1919). Le Poilu Tel qu’il se Parle. Geneva: Slatkine Reprints.
Esnault, Gaston, 1965. Dictionnaire Historique des Argots Français. Paris: Librairie Larousse.
Amocher = blesser, battre en ruine
bourrin = cheval, mulet, tocard, rosse
bouseux = bousoux = paysan, canonnier
cocoter = gogoter = puer, devenir dangereux (“On nous recherche, ça cocotte”).
Froc = pantalon
grolles = souliers
zinzin = obus, etc.
Traduction en anglais de John Charlot :
For all the buggers who kicked the bucket, for all the comrades
Who were so disgusted though they kept up their air of being smart,
For all those wounded, with no more nose, or crazy hands,
Who are so ugly/disgusting that there’s no one left to kick them.
For all those who ate gas (boy, how it stinks!)
For all those who bled into their boots all through a night
For all those who rubbed their nags full of pox/syphilis
When the shells rain down and fear makes them run.
For those who went on tinkering when it was the time to sleep!
For those who sent off their barrage, waiting for the response!
For those who were courageous and energetic and those who shat in their pants!
Heavy with leggings, whips, gas-masks, and filth
Driver-gunners, notaries, curates, peasant cannoniers, and those who wear glasses,
Cry-babies, carousers, and hard workers who have all been snuffed—give them grace!
[15] pus dans Mele; corrigé par Charlot et changé à plus.
[16] Manuscrit : où
[17] Construction probable de charet, ancien diminutif de char
[18] 15 août 1919.
[19] Rayé : Seigneur Seigneur voici le temps de me dédire
J’ai adopté des airs docte[s] de vieux rhéteur
[20] Rayé : Or j'ai compris qu'il fallait faire la lumière !
[21] Poème biffé. Au-dessous d’une note indiquée en bas de page, Charlot a ajouté plus tard “(idiot !)”
[22] Probably a variant of feteur : mauvais odeur, puanteur.
[23] Ajouté plus tard : (idiot !).
[24] Rayé : Espérons en l'arc-en ciel issu du déluge.
[25] Poème sans date mais mis entre les poèmes du 31 janvier et du 2 février 1922. Sur le manuscrit, Huy (ligne 1) et La (ligne 3) sont en lettres minuscules. Je remercie le professeur Marta Gonzalez-Lloret de sa correction sur épreuves du texte espagnol. Paru dans Mele, numéro 17, février 1971, page 11.
[26] Paru dans O. de M., “Motivos : Antología de Jean Charlot,” Contemporáneos, l’an 4, numéro 37, juin 1931, pages 263-271.
[27] Recueil 1925, daté du 29 janvier 1925.
[28] Remplace : Car n'étant point de ceux qui t'aiment trop, pelure.
[29] Remplace : d’une nuit splendide
[30] Remplace :
Et de l'enfance à la vieillesse écoutais cette
mienne âme, derrière l'éventail d'ossements
rire à pleines fossettes.
[31] Mele, Numéro 7, décembre 1967, page 1