Processional, the sunny side, part 4

16 ans à 18 ans:
à partir d’Août 1914 (retour d’Allemagne)[1]

Je suis un sot, je suis un niais, je suis un fou[2]

incapable d’apprendre[3] un métier, incapable

de gagner, au travail des jours, le pain[4] palpable,

la paresse et l’orgueil me montent à l’assaut.

Je crus[5] un jour en mon génie. Le pinceau

du rêve me traçait un luxueux retable.

il a tôt fait de me revautrer à l’étable

l’argent boueux qui m’a grippé l’âme à son sceau.[6]

Ton rêve crève. Pourquoi te désoler, lâche !

il faut agir et non pleurer. Saisis la hache

à pleins poings. Affile ce fer sur la pierre,

car, le temps est venu de lutter, face aux maux.

lève-toi, songe-creux. VIS, sans plus te complaire

aux cymbales vides et sonores des mots !

8–14

ô mon Dieu donnez-moi la force de me taire

Arrachez de mon cœur la vigne et ses rameaux,

arrachez de mon cœur l’amour du chalumeau

frêle, du luth qui vibre et des Voix éphémères.

mon Dieu, le temps n’est plus aux ris de l’heure arrière,

car l’enfance est mourante. ternes, les émaux

de jadis émiettés au choc des poings brutaux

laissent à nu le plomb lugubre des verrières.

Je bouche mon oreille et clos mes yeux. Ma tour

d’or s’effondre et l’amour de la beauté, l’amour

de la candeur, je le déchire aux ronces et l’y vautre.

stupide, je tremblais au seuil du grand Mystère,

et mon regard scrutait les astres, solitaire.

Eh bien, je fermerai les yeux, comme les autres !

8–14

“Bah ! délaisse la pensée impuissante et vaine

qui grince, et creuse, et mord, puis pâle ne dit mot,

tremblant d’avoir rongé un fil du grand’Manteau.

écoute plus tôt le sang charnel de tes veines.

il te dit “ travaille donc, travaille,[7] l’oubli

seul pourra te donner la joie et la quiétude.

bronze ton front de scepticisme. Autre Latude[8]

évade-toi d’En Haut. le Très Bas ennoblit ;

Tandis que tous les mots vains, que toutes tes phrases

creuses n’aboutiront, oh le divin extase,

qu’à coudre à ta cape des pièces et des trous

Si tu veux te muer en raté, je te laisse.”

“Hélas ! tant d’astres d’or étincellent sur nous

que je n’aimerais point que mon regard se baisse.”

8–14

C’est fait. J’ai repoussé l’azur, et ce fardeau

trop lourd sous lequel je courbais, 1 coup d’épaule

m’a suffi[9] pour le rejeter au sombre flot.

l’oubli l’a couvert comme un mascaret le môle.

pourtant je ne suis pas rassuré––Quoi me frôle

quand le soleil des soirs saigne aux fleurs des vitraux

et quand la mer des nuits déferle, lourde et molle

quoi me parle, plus doux et plus prompt que l’écho.

Bah ! mais bientôt j’en suis sûr, ces quelques fous qu’on nomme

songe et rythme, seront cloîtrés comme des nonnes

et le Dragon bestial gardera le caveau.

alors je pourrai jouir du trésor qui s’amasse

de labeurs et de joie, et me mêler à vos

trafics, hommes, et me perdre enfin dans vos masses !

8–14 4

12 et 13

Enfant crois-tu que cela donne joie et calme

d’étreindre des pensers pérennes et profonds.

ton orgueil mourra plus vite que cire ne fond,

plus vite que ne joue la rame dans les scalmes.

le soir tombe, effrangé au noir velours des palmes.

le père est assis, les doigts calleux, la neige au front.

travaux passés, bonheur présent dans l’ombre font

frissonner au vent, fil de la Vierge, une chaîne alme.

il a vécu toute sa vie. le soir tombe..

la paix inénarrable étreint l’homme et l’opombre.

moi, quand j’aurai creusé l’inanité des songes

moi, quand j’aurai mordu l’âpre pain des angoisses

moi quand j’aurai vécu jusqu’au bout ce mensonge

que me restera-t-il ? Le cercueil. “non, l’extase !”[10]

8–14

pourtant tu n’auras pas fait ton devoir, mon fils
l’homme est malheureux. Il ne sied qu’on le soulage
il rêve aussi mais ne rue pas devant l’ouvrage.
c’est moi qui l’ordonne : il m’en offre les prémices.

Humilie-toi. Courbe ton cœur au sacrifice.
Humilie-toi. Durcis ta paume et broie ta rage.
Avoue-toi lâche, avoue ta peur que tu ménages.
tu ne t’abaisseras jamais assez mon fils.

Ahane las sans songer à la récompense.
(Surtout ne cherche pas le bonheur. il fuira).
ahane sans geindre. que ta vie se dépense

ahane tout le jour terrestre, un soir luira
où ton corps fourbu au cercueil se détendra
où ton âme, au Jardin mystique, jaillira.

8–14

––PROSE––

les brumes se sont levées, leurs anneaux

poudreux

les prés touffus, les lointains clairs

dont l’œil se dilate,

les galops fous au triple éclair

sous les doigts, qui flattent,

l’ardeur blandissante du mors

la sueur insane,

la course. L’ouragan qui mord

la robe alezane,

la crinière éparse où la main

du César se lustre,

la parade, les paons romains

rouant, aux balustres,

l’éveil fougueux des branle-bas,

le choc bleu des piques,

les morts[11] qu’on mord, les sabots las

baignant dans l’épique,

le repos. L’ombre d’un bouleau

berçant des casques,

les naseaux rouges fouillant l’eau

sanglante, aux vasques,

buccins d’or, pourpre des aigrettes,

jours trépassés,

Je vous médite et ne regrette

rien du passé.

pourtant j’ai place au râtelier

près du carrosse

et des taons à mes jarrets liés,

caduque, rosse.

24–8–14

Une version antérieure existe en prose :

VIII

Les brumes se sont levées. Leurs anneaux poudreux qui se traînaient au pied des arbres, infiltrés de soleil, émiettés en gouttes irisées miroitantes ont formés forment un brouillard de rêve léger frais blanc qui s’est s’évanouit comme un songe. Maintenant la plaine dort à l’infini et le vert frais des herbes se brouille et s’évague au en bleu laiteux des lointains flous. Par groupe masses les arbres jaillissent, immobiles, comme des fontaines pétrifiées, comme des menhirs géants,[12] en masse d’or vert et rose d’or rose qui s’estompent là-bas, derrière la gaze d claire des beaux matins, avec des richesses exténuées d’opale. Des groupes se précisent sous le frémissement des palmes. L’harmonie des voix calmes, rythmée aux trilles des rires joyeux jeunes, monte, elle s’imprègne au pailletis de soleil qui vibrent font vibrer l’éther, et s’harmonise à la splendeur paisible du matin. Ceux qui sont nés là pleurent quelques larmes frêles. Les autres, bercés[13] seulement du grand Désir montrent avec des gestes éployés la lisière lointaine et tranquille, On plie les toiles et la tribu se met en marche. Vers quoi ?

J’ai lié l’Orgueil au pilori

du supplice

et sur son torse endolori

se déplisse

le knout happant l’or du manteau

qui se tache

de sang, se déroule et bientôt

se détache.

Pourpre sur pourpre, soie et sang

que lacère

la mort ployant les reins puissants

dans sa serre.

Elle s’agrippe et lui sourit,

verte amante

ourlant de vers et de souris

chair et mante.

l’orgueil hurle, étreint par les deux

griffes courbes,

tous nerfs tordus il grince, hideux

veule et fourbe.

Or, la coulle impériale coule

à ses pieds

laissant à nu son corps de goule

estropié.

9–14

ô mon Dieu, je plie l’épaule pour qu’on la charge.
l’aile d’or du rêve craque et sombre au brasier
la chenille a rongé les touffeurs du rosier.
Ses sépales jaunis meurent au vent du large.

un lourd filet de sang serpente au long des marges
premières. les cinq clous saignent, extasiés ;
le lys tigré se plie où digère un bousier ;
des rinceaux purs mûrissent de grotesques charges.

en suite, dans le vélin vierge de motifs,
(préfigure des pleurs futurs, des bonds rétifs,)
zèbrent les larmes du cierge et le sang des rouilles ;

en fin, dans la bourrasque de mort, frêle et pur,
tandis qu’au bas, sanglots cris et luttes se brouillent,
l’ultime blanc feuillet monte, et frémit d’azur.

9–14

vers de 9.

Il pleut dans la rue, pleut sans cesse,
ma lèvre est déchirée à l’amorce.
J’ai peur. Seigneur donnez-moi la force
car j’ai peur de tomber en faiblesse.

Seigneur pourtant je vous remercie
bien d’avoir exaucé ma prière
et réchauffé de vos mains de père
contre votre cœur mon cœur transi.

Pourtant Vous pourriez loin de Vous, Maître
repousser mon amour trop timide,
Voici : Vous séchez mes yeux humides
et Vous m’embrassez pour me soumettre.

Seigneur, voilà mon cœur et mes membres,
moi qui n’ose pas renier ma faute.
Vous étiez venu. Le mauvais hôte
n’avait pas préparé Votre chambre.

Il Vous a fallu, pour une couche,
lui donner tout le Sang de vos veines
l’Holocauste encor resterait vaine
si Vous n’aviez baisé sa bouche.

Tremblant il ouvrit grande sa porte,
humble il s’excusa du grand désordre,
qu’aux dons précieux les rats venaient mordre
que les fleurs, don de l’hôte, étaient mortes…

fragment. 9–14

4 5 5 3

Sûr du progrès,

picador épique,

j’ai pointé ma pique

à mon gré.

J’ai déclassé

l’art et ses révoltes,

bustes, archivoltes,

pots cassés.

Vénus, Jupin

que la crasse incruste,

et l’amour vétuste

du taupin :

Eros vainqueur

aux flèches rosées.

Psyché[14] posée

bouche en cœur.

Ces dieux fœtus

sont laids, L’art attique

ne plaît qu’au portique

de Plutus.

L’or. dieu-plaisir

L’or seul rend capable

l’or mue en palpable

le désir.

Jette à plein poing

L’or, la pluie ardente

la miche où s’édente

L’homme, et point

de vains regrets

Jette à toute secte.

Vois : la brute abjecte

en progrès

l’œil se dorant

d’un désir (le vôtre)

s’y rue et s’y vautre,

adorant !

vers 9–14

J’ai parcouru la grand ‘ville

Seigneur, ayant faim d’amour...

mais sa parodie est vile

je cherche toujours.


J’ai parcouru ma pensée

Seigneur ayant soif de bien…

de tant d’heures dépensées

que reste-t-il ? Rien.

.14


terza rima

J’ai pleuré, j’ai gémi d’angoisse

dans la nuit

le rets se tend, l’aile se poisse.

Je ne suis plus triste d’ennui,

mais la serre

d’effroi me harcèle et me nuit.

le fouet du doute me lacère

vers 9–14

éternelle ironie ô nature, en ce coin, feuilles

d’hiver, que vêt encor l’or amorti des branches.

vers ceux dont le canon gronde et tressaille au loin

mes pensers, fil rompu, marge à marge s’endeuillent.[15]

fleurs de candeur, fleurs de tendresse, fleurs de gloire

une à une, vous vous flétrirez, belles niaises

la bourrasque se rue ardente à la victoire

déchiquetant ce péplum d’or en pluie de braise.

c’est pour nous, c’est pour moi que funèbres, les champs

se bossèlent, pourtant le corps gourd, l’âme lasse

je pleure en regardant l’automne en son penchant

mais mon rêve à leur rêve héroïque s’enlace.

Tuileries 10–14.

La nature était grande, éternelle en ce coin

D’hiver que vêt encor l’or amorti des branches

Vers ceux dont le canon gronde et tressaille au loin

Ma pensée, fil rompu, marge à marge s’effeuille

Fleurs de candeur, fleurs de tendresse, fleurs de gloire

Une à une vous vous flétrirez, belles niaises.

La bourrasque se rue ardente à la victoire

Déchiquetant le péplum d’or en pluie de braise

C’est pour nous, c’est pour moi que funèbres les champs

Se bossellent. Pourtant le corps gourd, l’âme lasse

Je pleure en regardant l’automne en sang…penchant..

Mais mon rêve à leur rêve héroïque s’enlace !

Oct. 1914

Je ne suis pas de ceux qui combattront

tâche auguste,

pour eux la gloire porte à sa lèvre robuste

le clairon.

Je ne suis pas de ceux qui sur la glèbe pieuse

tomberont,

de ceux que l’Immortalité respectueuse

baise au front ;

de ceux que leurs foyers reverront, apaisés

rose aux lèvres,

la France, bonne mère, ayant chassé leur fièvre

d’un baiser.

21 bis ou 22

Dieu mon maître

Vous m’avez donné de faire ma tâche.

J’accepte avec joie et je vais m’y mettre

sans peur lâche.

votre Grâce

Seigneur, me donne courage et confiance

Je boûs[16] du sang chaud d’une jeune race

sans méfiance

et sans haine

pour qui l’horizon s’ouvre comme un rêve

où lourd du sang des aînés, dans les plaines

le blé lève.

12–14

dialogue

“Philis laisse ton bras

dormir à mon épaule.

ne jouons plus de rôles.

Je suis si las.”

“Nous avons des parfums

à respirer ensemble

ami ; du soleil tremble

sur le chemin.”

“Chère, si ce sentier

fleuri n’est qu’un mirage,

perdras-tu point courage

du sang aux pieds.”

“Que craindrais-je. On est deux

à fuir au long des routes.

Là-bas gîte sans doute

ce que je veux !”

“Enfant ; il se peut qu’au

terme notre espoir jeûne...

Partons ! Nous sommes jeunes

vaillants..et sots.

12–15.[17]

Madeleine, prostituée aux mains ravies

d’incirconcis, ivre du rut de leurs haleines,

malgré les fards malgré les bagues et les laines

repue, sanglota du néant de sa vie.

Cette fille, ayant réuni sans en omettre

rien ce qu’elle reçut d’Ephrem au rire vain

courut chez son marchand de fard, et s’en revint,

blême, un pot de myrrhe aux mains vers le nouveau Maître.

Madeleine, les cheveux au vent où cours-tu.

yeux fous, gestes hagards, Madeleine où cours-tu

dans le soir ? Les anciens riaient sur son passage.

Pourtant malgré les disciples scandalisés

son corps broyé d’amour eut le pardon du sage

dont les doigts blancs s’unirent à ses doigts brisés.

12–15.[18]

Une version antérieure se trouve dans un manuscrit :

Madeleine, ayant fait de l’œil à ceux d’Asie

Et de Rome, et connu le rut de leurs haleines

Malgré les fards malgré les bagues et les gemmes

Senti sourdre à son cœur le vide de sa vie

Madeleine ayant réuni sans rien omettre

Ce qu’elle avait reçu, d’Ephrem aux cheveux fins

Courut chez son marchand de fards et s’en revint

Blême, un pot de myrrhe aux mains vers le Nouveau Maître

Madeleine, les cheveux au vent où cours-Tu ?

Yeux fous, gestes hagards, M., où[19] cours-tu

Dans le soir ? Les anciens riaient à son passage

Pourtant malgré les disciples scandalisés

Son corps, broyé d’amour, eut le pardon du Sage

Dont les doigts blancs s’unirent à ses doigts brisés[20]

oh ! Maître, laissez-moi vous dire sans mots vains

la joie de vous avoir rencontré sur ma route,

o Vous l’Infinité et de l’embrasser toute

dans la tâche accomplie humblement

. ô le vin

d’orgueil, il enivrait la vigueur de mes rêves

et je ne savais pas canaliser ma sève

et suivre la voie droite, et les crocs du chemin

se hérissaient, m’ensanglantant le front. Les mains

moites de fièvre et l’âme ouverte à tous les vents

j’allais. désirs saoulés, mon rêve décevant

évanoui, je sentais, nu, quand le vent rôde

au bois, le frôlement d’ailes molles et chaudes,

le désir, la faiblesse, le remords, le doute...

et je pleurais.

Vous avez vu mes pleurs. La route

s’étend, vaste et je vais au but, la Vie au cœur,

car je marche la main dans Votre main, Seigneur.

5–15

oh ! Seigneur j’ai connu que votre joug est doux,

qu’on goûte un vrai repos à défricher vos terres,

à creuser les sillons, brisant les mottes d’où

jaillira le bon grain des moissons salutaires.

Jadis, frappant[21] le tuf, bondissant de[22] courroux

j’errais par les sentiers sauvages, solitaire.

l’ouragan[23] s’écrêtait[24] contre ma corne altière

et dompté mutinait mon dru pelage roux.[25]

mais parfois je fermais ma prunelle.[26] mon être

repu se détendait et je songeais au Maître

futur qui lasserait de coups mes reins.[27] Cela

c’est aujourd’hui. le soc pèse. votre joug bouge

à mon front dur, car votre bras noueux scella

sur mon flanc asservi[28] la frappe du fer rouge.

4–15

Quand mon corps pourrira, roide et vert, que mon nom

soit glorieux ou méprisé, dis, que m’importe,

qu’importe sur ma stèle une couronne ou non.

Lorsque de mon caveau sera close la porte,

ma bouche, d’avoir bu le baiser où le vin

n’édentera pas moins sa lividité torte.

mes mains auront pétri l’or ou la chair. En vain

crisperont-elles sous la visqueuse morsure

leurs nerfs décortiqués sur le squelette fin.

mon torse qu’amollit la couche des luxures

tressautera-t-il moins entre les ais rugueux

qui, sur ma nuit, seront vissés d’une main sûre.

mes jarrets qu’affolaient les délices fongueux

fibre à fibre s’efflocheront. mon corps débile

choyé jadis, s’ira coucher nu tel un gueux

et peut-être, d’avoir gavé mes ruts nubiles

d’appâts insuffisants, renié mon âme, dorloté

d’éphémères amours d’une fièvre inutile

me faudra-t-il haïr pendant l’éternité.

6–15

Je veux vous remercier depuis que j’ai suivi

la route ; vous remercier pour le bonheur

calme, et pour la vraie prière de toute heure

profonde et pour la mort heureuse, et pour la Vie.

Je veux savoir, je veux souffrir. J’ai foi. le cœur

ulcéré connaîtra le baume qui se pose.

Je ne crains plus la vérité. bonnes, les causes

rythmiquement enchaînées meuvent leur vigueur.

ô pouvoir être seul et songer sans angoisse

à l’inconnu voisin qui nous presse et qu’on troue

yeux bandés, sachant que muette frôlant nos joues

attentive, une Main protège nos mains lasses.

6–15

Donc ces villas et ce bois

c’est la loi

qui borne mon existence.

plus de stances

amères, et plus d’accents

angoissants.

J’ai scellé la dalle pleine

sur ma haine ;

su poigner et ressaisir

mes désirs...

c’est la foule des Dimanches.

sueurs. manches

troussées. papiers salis.

hallali

de rires et de disputes

que suppute

l’œil mi-clos et goguenard

un canard,

un canard fils des riants

Orients,

d’Inde de Perse ou de Chine,

dont l’échine

meut, candide, sa blancheur.

l’herbe en fleur

berce son poitrail de neige

qui s’allège

d’un timide duvet lent.

l’oiseau blanc

soudain bat de l’aile, avide

d’air vivide,

d’herbe drue de lacs profonds.

tout se fond

dans un cri âpre de sistre

qui sinistre

roule, meurt. L’oiseau dressé

harassé

claudique, plonge et s’ébroue

dans la boue.

6–15
en arrivant à St Mandé.

La neige beige esseule les stèles

les heures de ceux-là, où sont-elles ?

qui clora mon œil mort grand ouvert ?

sera-ce l’été ou l’hiver

quoi baisera ma lèvre livide.

un ami. une femme. le vide.

devant l’Éternité quelle main

vêtira mon corps mou de pantin.

Dieu me fera ranger dans ma boîte

l’effroi aux narines tempes moites.

par dessus le pont quoi prend ma main.

Si ce n’est aujourd’hui, c’est demain.

7–15

Elle entre en coup de vent, lorsque le jour décline

elle est vêtue d’un péplum aux longs[29] reflets

elle est mère et nourrice. elle console. elle est

bonne et berce nos fronts de sa lèvre câline.

et je sais que bientôt mes révoltes félines

mon rire et mes sanglots, mes rêves bleus, mes plaies[30]

rouges, enfants domptés[31] d’une goutte de lait

dormiront sagement sur sa chaste[32] poitrine.

(oh ! Nous mirer toujours dans ce miroir sans tain)[33]

et ma prunelle sous ma paupière s’éteint.

Donc mes sueurs d’angoisse et mes cris de détresse

ne serviront de rien ! Mon avidité mord[34]

au tétin qui, sous les doigts fiévreux qui le pressent

libère à mes désirs le lait d’oubli : [35] la Mort.[36]

II

Oh ! non face camuse et creuse, il n’est pas vrai

que

.                                                                                              orfraies

.

Mais ne crois pas ô mort veule que tu m’effraies

crâne nu sous quoi gît l’insoluble mystère

tu n’oppresseras pas toute mon âme altière.

Je sens que je suis fait pour vivre, et je vivrai.

Ne vrille plus tes yeux sur les miens, ô squelette.

Tout chemin t’a pour but, tout miroir te reflète

frôlant contre ma joue un ricanement creux.

C’est en vain. Tu ne m’effraieras pas. Je t’envie,

il ne me leurre pas ton travesti verreux

Je te connais. démasque-toi. Tu es la Vie !

Une version antérieure du poème précédent :

II

Oh non ! Face camuse et creuse il n’est pas vrai

Que je palpiterai tout entier sous ta serre.

Tu peux ronger mon corps dans ton orde tanière

Tu peux t’auréoler [environner] de hyènes et d’orfraies

Mais ne crois pas ô mort veule que tu m’effraies

Crâne nu sous quoi gît l’insoluble mystère

Tu n’oppresseras[37] pas toute mon âme altière

Je sens que je suis fait pour vivre et je vivrai.[38]

Ne vrille plus[39] les yeux sur les miens ô squelette.

Tout chemin t’a pour but, tout miroir te reflète

Frôlant contre ma joue un ricanement [blanc] creux.

C’est en vain. Tu ne m’effraieras pas. Je t’envie

Il ne me leurre pas ton travesti [troublant] verreux

Je te connais ! Démasque-toi ! Tu es la Vie !

J’ai connu votre poing sur mon épaule, Maître,

que le repos n’est pas au lâche que harasse

la tâche et qu’il serait ridicule et cocasse

de mesurer mon œuvre aux vôtres, mètre à mètre,

trop las des sottes libertés, pour m’en remettre

à Vous, j’opprime en Vos vengeances, mes mains lasses

dont la chair moite cède au fouet souple qui lace

Écartelant sous la souffrance tout mon être.

Je n’envie pas Votre bonheur, mais Vous servir

humblement. mon orgueil s’exaspère aux soufflets

et ma haine exerce ses dents à s’assouvir,

mais Vous triompherez, ô Maître, s’il vous plaît,

du taureau écumeux, cossant d’un front sanglant.

Arrêtez-le rien qu’au toucher de vos doigts blancs.

Octobre 1915

ô Maître j’ai connu le fouet de vos lanières

Voyez : Voici mon corps redevenu pesant

comme l’airain ; et mes ailes qui se fanèrent

et ma prunelle morte et mon geste impuissant.

Dans la nuit, dans la nuit violette et coutumière

j’ai tordu mes bras et ma rage en gémissant.

je suis retombé nu[40] sur l’oreiller de pierre.

L’Amour tari laisse à nu le vide angoissant.

Hélas ! hélas ! pourquoi la boue au lieu des sources,

et des caillots de sang roux aux crocs du chemin

lorsque mes pieds meurtris trébuchent dans leur course.

S’il vous plaît, frappez ma tête vile. mes reins

frémissants, et fouaillez ma douleur d’un ongle ivre..

Tout ce que je désire, Maître, c’est Vous suivre.

10–15

Et je sais que ceci m’atteindra sans férir..

et voici que je tends, pâle, mes deux épaules

au joug, et que mon front se baisse sous la gaule

et que mon pied fourbu se prépare à courir.

L’esclave ne doit pas être las de souffrir.

Je tends toute ma chair au gourdin qui la frôle

ayant jeté tout masque et désappris tout rôle

pour me coucher aux pieds du Maître et le servir,

heureux quand son talon fouille ma face imberbe

et châtre mes désirs de stupre et de superbe

dans l’affaissement vil de la boue et du sang,

puisqu’au soir son Amour vivifiera ma glaise,

drapant ma nudité de ses rayons puissants,

et ma blessure irradiera dans Ta fournaise !

10–15

Sous ces rameaux couverts

ces myrtes et ces roses,

tranquille, roide et vert,

Tircis repose.

Une version plus complète se trouve dans un manuscrit :

Sous ces rameaux couverts,

Ces myrtes et ces roses,

tranquille, roide et vert,

Tircis repose.

Le chef de pleurs transi,

Bacchus, Pomone, et Flore,

Lamentent cet air-ci

Qui le déplore.

“Tircis, ami charmant”

Qui sus la joie de vivre,

Pourquoi vas-tu dormant,

Froid comme givre

A jamais tes pipeaux

Ont tu leur villanelle

Tes yeux pers ont enclos

L’ombre éternelle

Gisent tes doigts muets

Aux cordes de la lyre,

tes doigts que remuait

L’heureux délire,

La chanson que ton ris

Saurait à la lumière

Sur ta lèvre transi

dort éphémère

Ta chevelure d’or,

Ta lèvre tant baisée

Ta joue rose, la mort

les a brisées.[41]

Une strophe manque.

Bacchus t’offre le vin

De sa dernière amphore.

Le lys blanc, l’œillet fin,

t’a cueillie[42] Flore

Pomone un plein panier

De figues et de pêches—

Hélas, près des charniers

Fleurs et fruits sèchent.

Le pied nous fait défaut,

Notre langue se fausse.

Arrêtons-nous. il faut

Combler ta fosse

Dieux vains, notre pouvoir

Expire au seuil du gouffre

Nous ne pouvons savoir

Combien tu souffres

Tes[43] joies furent factices

Et ce corps, qui fut tien

Te livre à la Justice

Du Dieu Chrétien !

Oct–Nov 1915

Candeur[44]

Elle était douce, et bonne, et belle et blanche. J’ai

sangloté quand j’ai su qu’elle allait mourir. Cette

enfantine poupée aux soyeuses fossettes

éventrée, accouche des vers qui la rongeaient[45]

Ça va barder, ça va barder ! Déjà dévie

la lame où se désarticule le malin.

mes doigts qui s’attardaient sous la tiédeur des lins

vont palper, frémissante et haineuse, la vie.

L’innocence ? Elle a craqué, portière fanée.

C’est encore pour des heures et des années

que le soleil putride et poisseux cuit à blanc.

La Bête tord ses flancs où la sueur dévie

à mon flanc, et visse son mufle sur mes dents,

mes dents qui frôlaient ce matin Jésus-Hostie.

2–16

Tel, prêt au départ, le pèlerin,[46]

j’ai gonflé mon outre et ma besace

et pour les chemins où nul ne passe

élu le cilice et ceint mes reins.

J’ai dit “Je suis fort et jeune. rien

n’osera borner sous moi l’espace.”

la glèbe mœlleuse, l’herbe grasse

j’ai dit d’abord “Ça n’est pas malin.”

J’ai dit “Mon bissac est lourd. Mangeons.”

“mon outre est pleine à crever. Buvons.”

J’ai dit “L’étape est fort loin. Dormons.”

J’ai dit “mes pieds sont crevés. mes joints roides.”

J’ai dit “mes genoux saignent. la boue glace.”[47]

J’ai dit “Votre Volonté soit faite.”

1–16.

Madrigal I

Tu caresses ta chair et tu souris enfant,

ta chair d’opale tramée en bleu fil de veines

et ta narine en fleur aspire, lourde et vaine

l’âme des pistils roux qu’écrasent tes doigts blancs.

La chair qui t’enfanta fut, elle aussi, enfant

puis mère, et maintenant se décompose, vaine,

chose innommable, sans yeux ni nez, muscle ou veine

mais serre d’un immobile élan, le Christ blanc.

il ne reste de celle-là qui t’aimait qu’un

glaïeul fané aux feuillets clos d’un vieux bouquin

que tes doigts adulés ne rouvrent pas sans honte.

Tu souriais aux clameurs fauves des chairs en rut

(ton rêve exaspéré aux mâchoires du comte)

quand Jésus au détour d’un feuillet t’apparut !

vers de 13

II

il t’a dit : “Quand les vers larderont tes membres roses

et que tes rires et tes sanglots se seront tus

avec les phrases qui dévièrent ta vertu,

tu auras laissé ceux qui t’aimaient parmi les choses.

Nul n’aura souci du coffre où tu te décomposes

de ta vie il ne restera pas une fleur. Tu

t’en iras toute dans l’oubli où se sont perdus

tant d’autres qui caressaient avec amour leur chair rose.

Tu vois : demain tous tes palais iront à vau-l’eau ;

c’est que tant de lèvres se sont tues ; de regards clos

et tant de seins qui fumaient d’orgueil tombés en poudre

Enfant, tout n’est que vanité, hors Moi. Pourquoi coudre

à ta chair éphémère l’inextinguible faim.

Viens vite. Je te donnerai le Pain et le Vin.”

2–16

Maintenant que j’ai dépiauté tes semblants,

que je sais le parfum de tes sueurs, tes membres

grêles, tes seins lourds, le vide de tes yeux d’ambre,

comptant tes os, jaugeant ta graisse, soyons francs !

Ta chair est ma chair : tes os mes os. Tous deux blancs

et nus, sots orphelins du seul Paradis. Cambre

tes reins, gonfle ton torse. Soit. Décembre

venu, nos cadavres seront très ressemblants.

Profitons de l’entracte. Vois-tu, Camarades

jouant le même mot dans la même charade

dégrimons-nous le rideau chu,[48] et, vrais acteurs

partageons le bouillon fade, le pain qu’on trempe,

le parapluie et la nuit froide. il est une heure.

le pompier dort. le lampiste[49] souffle la rampe.[50]

2–16

Une variante se trouve dans un autre manuscrit :

Maintenant que j’ai dépiauté tes semblants,

Que je sais le parfum de tes sueurs, tes membres

Grêles, tes seins lourds, le vide de tes yeux d’ambre,

[Que j’ai] compté tes os, jaugé ta graisse, soyons francs !

Ta chair est ma chair, tes os mes os. Dans son Plan

Dieu ne t’a mis ni plus haut ni plus bas. Cambre

Tes reins, gonfle ton torse. Soit : Décembre

Venu, nos cadavres seront très ressemblants…

Seras-tu franche. Moi je suis franc. Camarades

Jouant le même mot dans la même charade

Dégrimons-nous[51] dans la coulisse, en vrais acteurs

Et partageons le bouillon gras, le pain qu’on trempe,

Le parapluie, dans la nuit froide. Il est une heure.

Le pompier dort. Le gaziste souffle[52] la rampe.

2–16

Or m’étant assouvi, Maître, en Votre Sang vif

je suis rentré dans le monde, les lèvres pâles

du baiser haletant d’amour, au goût brutal

(tel l’écume ruée aux gorges des récifs).

Votre poing furieux scandant mon cœur rétif

la prunelle dissoute aux clartés triomphales

et les doigts gourds d’avoir forgé ma chair qui râle,

muet, guenille rivée à Vos clous, don votif.

Vous êtes encor là ; et ma terreur s’éreinte

à lutter contre Vos Bras aux rudes étreintes,

et mon respect halète, les dents à vos Pieds

Car Vous êtes “le Dieu terrible” “mais le Frère

aîné.” “Le Jaloux” “mais l’Ami.” “Le Justicier”

mais l’Hostie, l’Amour inassouvi qui pleure !

22–5–16.

à copier

reconstitué de mémoire. Il manque beaucoup.

Voici le temps de Gog et de Magog. Le monde

empaumé, sue tel une charpie en sang,

et le fumet des chairs broyées, des corps immondes

énamoure la narine du Dieu puissant.

Nous nous sommes bouché les yeux, clos les oreilles,

en feignant d’ignorer l’horrible vendangeur

qui, saoulé de vin nouveau, dégrappe sa treille

et danse, dans le jus pourpre, d’un pied vainqueur

Car les temps sont enfin venus. L’Ange à la hache

Frappe le tronc pourri du monde qui frémit,

craque et tournoie, sous la rage qui l’arrache,

et s’abat, noir remous de branches et de nids.

Là où le corps sera, s’assembleront les aigles.

De l’orient à l’occident, comme l’éclair,

vous nous avez gerbés comme un faucheur ses seigles,

et les corbeaux criards se disputent nos chairs.

Vous nous avez nourris Maître, de votre mœlle,

et nous avez marqués du Tau d’horreur au front,

pour que, par notre mort, votre Amour se dévoile

aux générations des générations.

désireux du RÉEL, impatients d’attente,

nous avons traversé l’apparent, droit au but.

Au matin, le simoun a déchiré nos tentes

et notre jeune sang, le sable chaud l’a bu.

Nous aurons parcouru ce désert d’apparence

avec, contre nos sens, Votre Hostie en dépôt,

ignorants des parfums vieillis en fumets rances,

et des fadeurs muées en “passe-moi le pot.”

nos corps, avant d’aimer, éclatent comme bombes.

nous n’avons pas connu la douceur du foyer.

Qu’importe. nos enfants grossiraient l’hécatombe

l’avenir est barré par l’ombre du charnier.

crachant[53] leurs huées sur votre Cœur qui n’en peut plus

L’ultime vague du dernier flux !

Des variantes se trouvent dans un autre manuscrit :

Voici le temps de Gog et de Magog. Le monde

Empaumé, sue, tel une charpie, le sang

Et le fumet des corps broyés, du sang immonde

Enamoure la Narine du Dieu[54] Puissant

Nous nous sommes crevé les yeux, clos les oreilles

Tâchant[55] d’ignorer quel horrible Vendangeur

Saoulé de vin chaud et vif, dégrappe sa treille

Et danse, dans le jus rouge d’un pied vengeur

Car les temps sont enfin venus. L’Ange à la hache

Tape le tronc pourri du monde qui frémit

Craque et tournoie sous la rage qui l’arrache

Puis s’abat,[56] noir remous de branches[57] et de nids

Les populations[58] sècheront[59] d’épouvante

En écoutant monter la Voy des grandes eaux

 “Le Fils de l’Homme[60] dans sa gloire triomphante

Approche” et c’est pourquoi crient et giclent nos os.

“Là où le Corps sera s’assembleront les aigles

De l’Orient à l’Occident, comme l’éclair.”

Vous nous avez fauchés tel le faucheur les seigles

Et les corbeaux gourmands se disputent nos chairs

Pour ceux-là qui piaillent et blasphèment, la tête

haute, vous avez parqué le vil troupeau

des serviteurs, afin que justice soit faite

Et que nous mourions en léchant le couteau

Vous nous avez nourris, Maître, de votre Mœlle !

Et nous avez scellés[61] du signe rouge[62] au front

Pour que, par notre mort, votre Amour se dévoile

Aux générations des générations.

…………………………………………….

Nos cœurs béants qu’assoiffait la Vie intégrale

Fument dans la fadeur pourpre des membres morts

Le Boucher chante et sa chanson couvre les râles

D’agonie obstinée et fétide du porc.

Qu’importe nos cerveaux broyés que le sang zèbre

Et nos poitrails rougis de crosses et de clous

Le catafalque d’ailes noires, la ténèbre

Le grouillement des vers et le baiser des loups

Si nous n’avons pas eu le temps, blancs d’ignorance

De caresser de jeunes chairs aux niais propos

Au moins nos cœurs pourrissent, vierges d’amour rance

Et de fadeurs muées en “Passe-moi le pot.”

Que nous ignorions, car le couperet tombe,

Le foyer qu’on attise au labeur journalier

Qu’importe nos enfants grossiraient[63] l’hécatombe

L’avenir est barré de l’ombre du charnier.

Dédaigneux du mensonge, impatient d’attente

Nous aurons traversé l’apparent, droit au But

À l’aube, le simoun déchira notre tente

Et notre jeune sang le sable blond l’a bu.

Merci Seigneur d’avoir voulu cette tuerie

Et que nos corps vierges pourrissent sans cercueil

La terre des martyrs était en pénurie

Et nos patrons[64] du ciel nous feront bon accueil

Car vous avez plié Maître nos mains dociles

A la prière et clos nos yeux sous le respect

Car les gouttes d’amour dont miroitent[65] nos cils

N’effacent pas en nous l’inaltérable paix.

Merci d’avoir permis qu’à la mer de blasphèmes

crachant[66] ses huées sur votre Cœur qui n’en peut plus

La prière ourle son écume, en nos corps blême

Qu’échoue l’ultime vague du dernier flux.

Juin Juillet ?

Exhortation I

Je ne vous[67] donnerais ni mon cœur, ni ma chair

Car ma chair et mon cœur sont à lui. Camarades

Nous nous donnerons si vous voulez, l’accolade

Et puis nous partirons sans plus. Le temps est cher.

Vous connaîtrez les matins gris et les soirs clairs

Et la paix du cœur, sans masque, loin des parades,

Et vous rendrez, Lui seul pilotant vers la Rade

Votre âme[68] son esclave et votre corps son serf.

Et puis quand il vous tiendra toute dedans ses paumes

Vous saurez la tristesse, l’angoisse ! Le baume

Des baisers n’effleurera plus vos yeux cernés..

Ses poings broieront vos doigts faibles et son accueil

Echinera vos peurs lâches aux cris pâmés

Mais[69] sa Brutalité matera[70] votre orgueil.

15 pieds

II

comme d’un jouet il maniera toutes vos résistances.

tenace, il forcera toutes vos jointures à plier.

vous verrez comme il manie la douleur à faire crier,

heures sanglantes où on voudrait défroquer l’existence.

Jusqu’à tomber roide il forcera vos larmes à la danse.

Jusqu’à en mourir il fera tourner aux pistes vos pieds

et malgré les dons très exacts à ses désirs épiés

il paiera de rigueurs folles chaque de vos obédiences.

Si vous tenez, lui payant d’un sourire humble chaque de ses soufflets

vaquant aux tâches, ne vous reposant que comme il lui plaît,

quand dégradée, vous ne rougirez plus d’aucune honte

mais du désir unique, insatiable de le servir,

quand vous aurez tout renié, vraiment, surtout vous, pour le suivre

Il vous purifiera au feu de son Absence !


[ 1 ] Jean Charlot a choisi et réuni ces poèmes dans un texte écrit au crayon, qui est à la base de cette édition. On a consulté d’autres textes manuscrits de ces mêmes poèmes et on en a noté les variantes les plus importantes.

[ 2 ] Une version de ce poème existe dans un manuscrit plus ancien avec des différences de mots, de majuscules, et de ponctuation. Toutes les différences de mots ont été notées ici. Voici les versions manuscrites des deux tercets, sans corrections :

Et Mais tu pleures ! Pourquoi pleurer ? On te défroque
Du mensonge enfantin d’un mirage baroque
La Vérité est belle et tu dois t’y complaire

Oui le temps est venu de lutter face aux maux
Lève-toi songe-creux. Vis sans plus te complaire
Dans l’ouragan profond et sonore des mots.

Le manuscrit contient aussi le quatrain suivant, rayé par Charlot :

O mon Dieu donnez-moi la force de le faire
Arrachez de mon cœur la vigne et ses rameaux
Arrachez de mon cœur l’amour du chalumeau
Frêle, du luth qui vibre et des voix éphémères.

[ 3 ] Manuscrit : de faire.

[ 4 ] Manuscrit : la vie.

[ 5 ] Manuscrit : J’ai cru.

[ 6 ] Variante sur la page d’en face, identifiée comme telle par Charlot : noyé l’âme à pleins seaux.

[ 7 ] Original : travailles.

[ 8 ] Jean Henri Latude, 1725–1805, s’est évadé de la Bastille.

[ 9 ] Original : suffit.

[10] Une variante se trouve dans un manuscrit, présentée ici sans corrections :

Et quand j’aurais creusé l’inanité des songes
Et quand j’aurais mordu l’âpre pain des angoisses
Et quand j’aurais vécu jusqu’au bout ce mensonge
Que me resterat-il ? le cercueil” “Non, l’Espace !

Extase !”

[11] Peut-être mors ?

[12] Original : géant.

[13] Original : bercé.

[14] Original : Psychée.

[15] Original : s’endœuillent.

[16] Original : boût.

[17] Manuscrit.

[18] Manuscrit.

[19] Original : ou.

Sur la même page du manuscrit se trouve le brouillon suivant :

Elle s’était prostit
Dans S’étant prostituée toute aux bras mains ravies
Du bel incirconcis de la race maudite
Malgré les gemmes, l’or, les fards, elle en eut vite
[Malgré les g. et les f. parfums]
assez et sanglota le du vide de sa vie

[20] Remplace : fardés.

[21] Manuscrit antérieur : creusant.

[22] Manuscrit antérieur : les. [?]

[23] Manuscrit : l’ouragon.

[24] Original : s’écrétait.  Manuscrit antérieur : butait.

[25] Manuscrit antérieur : Et domté caressait .mes {illisible} touffus et roux mon fort pelage roux.

[26] Manuscrit antérieur : prunelle et mon être.

[27] Manuscrit : antérieur.

mon flanc dos puisant.

Variante : Futur dont le courroux puissant me flagella.

Et vous êtes venu Maître Votre jour bouge
A mon front dur, et votre bras noueux prenant scella
A mon flanc asservir la marque du fer rouge.

[28] Manuscrit, variante : contre mon flanc roué.

[29] Manuscrit ancien, rayé : doux.

[30] Manuscrit ancien : pleurs.

[31] Manuscrit ancien, alternative : calmés.

[32] Manuscrit ancien, alternative : chaude.

[33] Manuscrit ancien : Bercés au rhythme lent de son souffle incertain.

[34] Manuscrit ancien, rayé : presse.

[35] Manuscrit ancien, alternative : choses.

[36] Manuscrit ancien, alternative : Ne donne que l’oubli des êtres dans la Mort.

[37] Original : n’oppressera.

[38] Original : vivrais.

[39] Remplace : pas.

[40] Variante : dru.

[41] Original : brisée.

[42] Original : cueilli. Remplace : te cueille.

[43] Remplace : les.

[44] La première et la seconde strophe ont été interverties dans le manuscrit original. “Jésus Christ” est souligné. De légères différences se trouvent dans la ponctuation et le choix de majuscules.

[45] Original : rongeait.

[46] Manuscrit : Tel le pèlerin, prêt au départ.

[47] Manuscrit : les deux vers (12 et 13) sont intervertis. Original : “Mes doigts sont gourds La nuit glace.”

[48] Original : chût.

[49] Remplace : gaziste.

[50] Remplace : lampe.

[51] Remplace : Ns. pou.

[52] Variante : descend.

[53] Original : crachants.

[54] Variante : Tout.

[55] Remplace : Afin d’. Variante : Voulant.

[56] Remplace : Et s’a.

[57] Remplace : feu.

[58] Remplace : Et les peuples.

[59] Originale : séchèront.

[60] Remplace : Le Christ approche.

[61] Remplace : marqué signé du.

[62] Variante : la griffe.

[63] Original : enfant grossirait.

[64] Remplace : les anges.

[65] Original : miroit..

[66] Remplace : Qui crache.

[67] Remplace : te.

[68] Remplace : chair.

[69] Remplace : Car.

[70] Remplace : dom.